GLORIANA
OU LA REINE INASSOUVIE
En
ce nouvel âge d'or, Gloriana règne sur Albion et son empire. Si la cour vit au
rythme de la reine, le gouvernement repose sur le chancelier Montfallcon et son
réseau d'espions et d'assassins. Parmi eux, l'énigmatique et redoutable
capitaine Quire. Et tandis que la reine de vertu languit dans son palais creusé
de souterrains mystérieux, Quire, le prince du vice, trame dans l'ombre
l'écheveau complexe de ses intrigues... Albion n'est pas l'Angleterre, Londres
n'est plus dans Londres et le monde de la Renaissance a changé; de même
Gloriana n'est pas Elisabeth Ier. Pourtant...
Gloriana ou la Reine inassouvie
Auteur
: Michael
Moorcock
Type
d'ouvrage : Fantasy
Première
Parution : 11 octobre 1978
Edition
Française : 11 octobre 2000
Titre en
vo : Gloriana
or the Unfulfill'd Queen
Pays
d’origine : Royaume-Uni
Langue
d’origine : anglais
Traduction : Patrick
Couton
Editeur : Folio
SF
Nombre
de pages : 570
Mon
avis : Et si, contre toute attente, et
malgré le monument de l’Heroic Fantasy qu’est Elric,
ce Gloriana ou la Reine inassouvie était tout simplement le
meilleur roman de Michael Moorcock ? Cela se pourrait bien à bien y réfléchir
et, sincèrement, après deux lectures, cette impression s’est renforcée. Mais
mettons les choses au point tout de suite : incontestablement, il est évidant
que la saga d’Elric, dans son ensemble, est supérieure à toute autre
production de Moorcock ; de part la classe et le charisme de son personnage
principal, de part son cruel et triste destin, de part le simple fait que le
cycle du prince albinos est depuis ses débuts, entré dans la légende de la
littérature fantastique. Mais Elric souffre aussi de son
écriture, écrite sur plusieurs décennies, où le meilleur, voir le sublime,
côtoie le moyen, et le lecteur, lors de sa lecture, peu en être perturber.
Quelque part, Corum n’en
est pas loin également de la perfection, surtout que cet autre avatar du
Champion Eternel, lui, est exempt des défauts de son glorieux et célèbre ainé.
Mais Gloriana, sans atteindre le souffle épique des divers cycles
consacrés au Champion Eternel, n’en possède pas moins une force, une cohésion,
une intensité rarement atteint, tant chez Moorcock, qu’en règle générale. Car
sans aucune discussion possible, avec Gloriana ou la Reine inassouvie,
l’auteur britannique tient là presque son chef d’œuvre, un petit bijou comme on
n’en voit que trop rarement. Cette fois ci, finis le « format » nouvelles et les cycles en x volumes, avec Gloriana,
Michael Moorcock nous offre un roman qui se suffit à lui seul, flirtant bon
avec la bonne vieille Uchronie des familles, même si, d’un point de vue stricte
du terme, ce n’en est pas vraiment une : en effet, ici, point d’élément
perturbateur dans la trame du temps qui aurait fait que l’Histoire ait déviée ;
car si la Reine Gloriana ressemble par beaucoup à Elisabeth, par l’époque,
proche de la renaissance, c’est plus par ses différences d’avec la « Reine Vierge », comme on la
surnommait, aux antipodes de celle-ci : Gloriana, autant inassouvie dans ses
désirs, malgré ses gargantuesques appétits sexuels, n’en a pas moins une fort
nombreuse progéniture. De même, faut-il le souligner, Albion n’est pas
l’Angleterre. Non, cet univers, à la fois si semblable au notre malgré ses
différences, tient infiniment plus de la cosmologie Moorcockienne du multivers
que de l’Uchronie ; ainsi, a la lecture, comment ne pas noter, pour le
connaisseur, les multiples clins d’œil a d’autres œuvres du maitre ? Ces
personnages qui jurent en utilisant des noms de Dieux du Chaos, comme Arioch ou
Xiombarg, ces références subtiles a ce passé, fort lointain, où ces Dieux
existaient réellement avant de disparaître ne nous rappellent-elles pas les
dernières pages du Cycle d’Elric, lorsqu’un nouveau monde, une
nouvelle humanité fait table rase du passé ? Ainsi, malgré son
originalité, Gloriana fait partie intégrante du multivers de
Moorcock et même si la traditionnelle lute entre le Chaos et la Loi n’est pas
flagrante de prime abord, celle-ci, de façon détournée (mais l’œil aguerri du
lecteur le notera), n’en existe pas moins. Mais ce qui fait la grande force de
ce Gloriana ou la Reine inassouvie, c’est bien évidement son
intrigue, son histoire, captivante au possible, que l’on dévore d’un trait ou
presque, presque par surprise étant donné qu’au début, l’on peut être dubitatif
devant un roman dont l’action se déroule à 95% dans le palais royal ou ses
alentours et qui s’attarde quasi exclusivement sur les dialogues entre les
nombreux protagonistes. Car que les amateurs d’action et de grandes épopées
passent leur chemin, ici, c’est d’intrigues, de psychologie, de désirs
(inassouvies pour la plupart, cela va de soit), de paraboles entre une Reine et
son Royaume, de poésie (et oui), de sentiments et d’ambitions que l’on va
parler, et de la meilleur des façons. Et c’est là la grande force de Moorcock,
incontestablement : par le biais de ses personnages, de leurs ambitions, de
leurs forces et de leurs faiblesses, l’écrivain britannique nous entraine dans
une fantastique histoire, qui semble calme et posée de prime abord, où les
apparences sont bien souvent trompeuses et où l’on s’aperçoit que le moindre
petit grain de sable (dans le cas présent, le charismatique et ténébreux Quire,
vexé que l’on ne reconnaisse pas son « art », et accessoirement, l’un des
personnages les plus intéressants de Moorcock) peut venir faire dérailler les
plans de toute une vie, ceux du Chancelier Montfallcon, et l’apparente gloire
d’un Empire, celui d’Albion. Alors, au gré des pages, tant le royaume que sa
Reine, sa sublime mais triste Gloriana, commencent leur chute, inéluctable vers
un abyme insoupçonné, tel un navire en perdition, même si la fin,
ressemble presque à un happy-end. J’ai bien dit, presque… En toute franchise,
et le Cycle d’Elric mis a part pour des raisons
évidentes, Gloriana ou la Reine inassouvie est fort
probablement la plus grande réussite de Michael Moorcock, presque son chef
d’œuvre, tant dans le fond que par la forme. Du moins, c’est ce que j’ai
ressentis à sa lecture et personnellement, celui-ci est surement l’un des meilleurs
ouvrages qu’il m’ait été donné de lire depuis longtemps, incontestablement. Une
véritable perle, a ne pas manquer sans aucun prétexte.
Points
Positifs :
-
Complètement inclassable, roman a part chez Moorcock, Gloriana ou la Reine inassouvie brille de par son style littéraire,
très recherché et qui se rapproche du théâtre de par sa conception. Nous sommes
ici à mille lieux de la production traditionnelle de l’auteur.
-
Pièce de théâtre aux faux airs d’Uchronie, roman d’aventure où se mêlent
poésie, politique et philosophie, Gloriana
se démarque également par ses cotés parfois crus et une originalité de chaque
instant.
-
Si Gloriana, reine qui se dévoue avant toute chose a son royaume mais qui
souffre terriblement de ne pas être satisfaite sexuellement marque les esprits,
force est de constater que Quire, l’homme de l’ombre, le mauvais garçon, est
charismatique au possible et s’il est par moments détestable, l’individu
fascine également.
-
Certains des seconds rôles ne sont pas en reste, je pense à Lord Montfallcon,
bien sur, mais aussi à la Comtesse de Scaith, le poète Wheldrake, etc.
-
Le happy-end final en déstabilisera plus d’un mais n’est pas illogique.
Points
Négatifs :
-
Dommage que vers la fin, les événements se bousculent un peu trop rapidement et
que Moorcock n’ai pas consacré davantage de temps à nous proposer un final un poil
plus long.
-
Gloriana est une œuvre très complexe
et qui n’est pas faite pour tous les publics : on adore ou on déteste, il
n’y a pas de demi-mesure…
Ma
note : 8,5/10
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