LES
ANNALES DU DISQUE-MONDE – LES PETITS DIEUX
Or
il advint qu'Om, le grand dieu, prit la parole en ce temps-là, et s'adressa en
ces termes à Frangin, l'Èlu : « Psst
! » Frangin s'arrêta au milieu d'un coup de binette et fit du regard
le tour du jardin du temple. « Pardon
? » lança-t-il. C'était une belle journée du printemps prime. Les
moulins à prières tournaient joyeusement dans le vent qui tombait des
montagnes. En altitude, un aigle solitaire décrivait des cercles. Frangin
haussa les épaules et retourna à ses melons. Le grand dieu Om s'adressa
derechef à Frangin, l'Èlu : « T'es
sourd, mon gars ? » C'est une bien lourde responsabilité qui allait
s'abattre sur les frêles épaules du jeune novice : il ne s'agissait de rien de
moins que de prévenir une guerre sainte. Car il est des hérétiques, voyez-vous,
pour prétendre au rebours du dogme de l'église, que le monde est plat et qu'il
traverse l'univers sur le dos d'une immense tortue...
Les Annales du Disque-Monde – Les petits Dieux
Auteur
: Terry
Pratchett
Type
d'ouvrage : Fantasy Burlesque
Première
Parution : 17 mars 1992
Edition
Française : 10 novembre 2010
Titre en
vo : Small
Gods
Pays
d’origine : Grande-Bretagne
Langue
d’origine : Anglais
Traduction : Patrick
Couton
Editeur : Pocket
Nombre
de pages : 416
Mon
avis : Décidément, ce qui est amusant
avec Les Annales du Disque-Monde,
c'est que c'est souvent les livres dont on n’attend pas grand chose qui
s’avèrent être les tout meilleurs. Car si c'est avec impatience que l'on se
plonge dans une nouvelle lecture des aventures des sorcières de Lancre ou du
Guet, les tomes dits indépendants ne sont, incontestablement, pas attendus de
la même manière. On se dit: « Tient,
un nouveau volume ? Qu’est-ce que cela va donner ? Et au fait, il est long ou
pas parce que le suivant, lui, y a Rincevent etc. » Et comme souvent,
on a tort, tout simplement. Forcément, vous l’avez compris, c'est le cas avec ces
Petits Dieux qui, personnellement,
resteront longtemps dans ma mémoire. Bon, d’emblée, je dois reconnaître que le
sujet de ce treizième tome m’intéressait puisqu'il abordait la religion. Cependant,
comme je viens de l’expliquer, le fait qu'il soit indépendant me faisait douter
au départ. Sentiments contradictoires qui furent, au bout de quelques pages (et
de quelques jours, j'ai eu un peu de mal a rentre dans l’histoire par manque de
temps surtout) balayés par la sensation que je me trouvais devant une petite
perle. Ainsi, ici, Terry Pratchett s'éloigne fortement de l'humour burlesque a
la Rincevent pour une autre variété bien plus subtile ; moins présente de prime
abord, mais qui ne servirait plus que comme toile de fond tandis que le but
même de l'ouvrage, lui, était mis en avant de bout en bout. Car Les petits Dieux sont une œuvre noire,
bien plus sombre que les autres volumes des Annales,
ce qui bouscule un peu nos habitudes, ce qui, au demeurant, n’est pas plus mal.
Mais cela se comprend car le sujet traité, l'intolérance des religions avec
tout ce que cela entraîne (guerres saintes, inquisition, sacrifices, non
respect des autres) n'est pas, a priori, un sujet comique (attention, je n’affirme
pas que celui ci n’est pas présent). Et c'est avec une histoire qui commence
banalement avec un novice d'Omnia (une théocratie fort semblable au Judéo-christianisme)
au nom ridicule, Frangin qui rencontre une tortue qui s' avère être, tout
bonnement, son Dieu, Om, que Pratchett va nous entraîner dans un long voyage
critique de l' intolérance religieuse et cela, de façon magistrale. Tout y
passe, y compris ces fameux Dieux, qui semblent si puissants mais qui s’avèrent
si dépendant des croyances humaines : l'inquisition, toujours aussi terrible,
les guerres saintes, les autodafés de livres (l'homme n’a pas besoin de
savoir), les contrastes entre religieux, philosophes et militaires, a la fois
si dissemblables et pourtant, parfois si proches. Et, bien évidement, tuer les
infidèles qui affirment que la Terre est plate et est posé sur quatre
éléphants, eux mêmes posés sur une tortue, alors que, selon les préceptes d’Om,
la Terre est ronde. Ou comment retrouver Galilée dans le Disque-Monde. Forcement, tout finira bien. Mais avant cela, il en
faudra des pérégrinations à Frangin et ses compagnons dans une histoire
splendide, qui fait énormément réfléchir. Une histoire où les protagonistes
principaux sont, pour la plupart, forts bien réussis (a ce sujet, Vorbis est
tout simplement culte) ; une histoire qui nous permet de ne pas oublier que les
religions, a travers les âges et encore de nos jours, ont été responsables d'innombrables
conflits, de destructions et de morts... Surtout, qu’on ne l'oublie jamais…
Points
Positifs :
-
Livre indépendant, dans la chronologie du Disque-Monde,
Les petits Dieux permet à Pratchett
de faire une incursion fort réussie dans le domaine de la religion et des
croyances : ainsi, il nous propose une hypothèse plutôt judicieuse qui
veut que les dieux existent uniquement si quelqu’un croit en eux, de même, ils
peuvent disparaitre faute de croyants.
-
Il ne faut pas se leurrer : Les
petits Dieux est une véritable charge contre les religions de la part de l’auteur,
ainsi, tout y passe comme le fondamentalisme, le fanatisme, le mépris pour les
autres croyances, l’omnipotence du clergé, les soit disant prophètes et les
crimes commis au nom de Dieu.
-
Moins drôle que les volumes précédents – et pas qu’un peu d’ailleurs – cet ouvrage
se distingue de par son humour plus subtil, quand au coté plus sérieux et
sombre, il ne dénote nullement, bien au contraire.
-
Si Frangin est un personnage plutôt réussi, c’est bien évidement Vorbis, le
méchant de l’histoire, qui marque le plus les esprits.
-
Si la religion est au cœur de l’intrigue, la philosophie est également au
rendez vous.
-
L’énorme référence a Galilée avec cette religion omième qui affirme que le
monde est une sphère alors que, comme chacun sait, celui-ci est plat et repose
sur le dos de quatre éléphants qui reposent eux-mêmes sur le dos d’une
gigantesque tortue.
Points
Négatifs :
- Le
principal défaut de ces Petits Dieux
et que, incontestablement, celui-ci souffre de quelques longueurs qui nuisent
un peu sa lecture.
-
Mouais, toujours ces équivalents de grecs qui parlent avec un accent
marseillais…
-
Certains regretteront peut-être que l’humour soit un peu moins présent dans cet
ouvrage.
Ma
note : 7,5/10
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