LA
GRANDE ILLUSION
Pendant
la Première Guerre mondiale, l'avion du lieutenant Maréchal et du capitaine de
Boëldieu est abattu par le commandant von Rauffenstein, un aristocrate connaissant
par hasard la famille du capitaine de Boëldieu. Les deux officiers français
sont envoyés dans un camp en Allemagne. Là, ils retrouvent de nombreux
prisonniers français, de tous grades et issus de différents milieux sociaux.
Ensemble, les prisonniers organisent différentes activités, partagent leurs
maigres ressources et vivent au rythme des nouvelles de l'armée française qui
prend et perd successivement des positions sur le front nord, notamment lors de
la bataille de Douaumont. La chambrée, outre Maréchal et Boëldieu, regroupe
également le lieutenant Demolder un amoureux des lettres, le lieutenant
Rosenthal, fils d'une riche famille juive dans les finances, un ingénieur du
cadastre et Cartier, un sergent populaire et volubile. Ils décident de s'échapper
du Lager en creusant un tunnel dans des conditions périlleuses. La veille de
leur évasion, le sort veut qu'ils soient transférés dans un autre camp. Les
mois passent, et Maréchal et Boëldieu après diverses tentatives d'évasion
avortées sont transférés dans un ultime camp fortifié en montagne, où ils ont
la surprise de découvrir qu'il est dirigé par von Rauffenstein, maintenant
infirme après une grave blessure et inapte au service actif.
La Grande Illusion
Réalisation : Jean
Renoir
Scénario : Charles
Spaak et Jean Renoir
Musique : Joseph
Kosma
Production : Réalisation
d'art cinématographique
Genre : Drame,
guerre
Titre
en vo : La Grande Illusion
Pays
d'origine : France
Langue
d'origine : français, allemand, anglais, russe
Date
de sortie : 09 juin 1937
Durée : 114
mn
Casting
:
Jean
Gabin : Lieutenant Maréchal
Dita
Parlo : Elsa
Marcel
Dalio : Lieutenant Rosenthal
Pierre
Fresnay : Capitaine de Boëldieu
Erich
von Stroheim : Capitaine puis
Commandant von Rauffenstein
Julien
Carette : Cartier, l'acteur
Georges
Péclet : le serrurier
Werner
Florian : Sergent Kantz, dit Arthur
Jean
Dasté : l'instituteur
Sylvain
Itkine : Lieutenant Demolder, dit
Pindare
Gaston
Modot : l'ingénieur au cadastre
Jacques
Becker : l'officier anglais qui
casse sa montre
Habib
Benglia : le Sénégalais
Pierre
Blondy : un soldat
Albert
Brouett : un prisonnier
Roger
Forster : Maison-Neuve
Georges
Fronval : le soldat allemand qui
tire sur le capitaine de Boëldieu
Karl
Heil : un officier de la
forteresse
Carl
Koch : un gendarme de campagne
(l'ordonnance de von Rauffenstein)
La
petite Peters : Lotte, la
petite fille d'Elsa
Claude
Sainval : Capitaine Ringis
Claude
Vernier : l'officier prussien
Mon
avis : Abordons aujourd’hui le cas, fort
intéressant, qu’est La Grande Illusion…
Après tout, ce film, datant déjà de 1937 n’est plus vraiment, de nos jours et
si l’on excepte les connaisseurs, connu du grand public dont une grande partie
pourrait faire la fine bouche devant une vieille œuvre en noir et blanc, avec
Jean Gabin, une BO improbable (de nos jours) avec des titres de l’époque (mon
Dieu, Frère Jacques, Il était un petit navire, Frou-frou),
des acteurs inconnus des plus jeunes (et pourtant, et pourtant…), un film de
guerre sans aucun combat (oh, il y a bien une balle tirée à un moment donné
mais c’est tout) et en plus, par-dessus le marché, des discussions sans fin et
d’un autre âge sur les rapports entre classes, le patriotisme, les valeurs des
hommes et des phrases bateaux du genre : « mais il faut bien qu’on la
finisse cette guerre ». Oui, j’imagine très bien la tête du grand public en
2019 devant un film comme La grande Illusion ; je pense même
que TF1 devrait le diffusé en prime time histoire de ne pas
faire d’audience. Mais si La Grande Illusion parait si daté
dans le temps, cela n’en fait pas moins qu’il s’agit d’un chef d’œuvre. Alors,
est-ce le film qui a mal vieilli (ce sont des choses qui arrivent) où le public
moderne qui, abruti depuis des décennies par des stupidités – tant au cinéma
qu’à la télévision – n’a simplement plus les capacités mentales pour l’apprécier
à sa juste valeur, personnellement, je pense que c’est la deuxième explication
qui est la bonne. Car tous ces petits détails dont je vous ai parlé dans le
paragraphe précédent, toutes ces petites choses qui apparaissent datées, d’un
autre âge et sur lesquels l’on peut doucement sourire, et ben, il faut que l’on
se dise une bonne fois pour toutes que c’était ainsi que pensaient et vivaient
les hommes d’alors et que faire un film, sur la guerre de 14/18, avec des
protagonistes qui réagiraient comme leurs homologues de maintenant, là, cela
serait absurde… et pourtant, c’est souvent le cas dans les reconstitutions
historiques. Du coup, acceptons La Grande Illusion pour ce
qu’il est, c’est-à-dire, un long métrage datant des années 30, avec la
mentalité d’alors, et dont l’action se déroule deux décennies plus tôt, en
plein premier conflit mondial. Et là, même plus de huit décennies plus tard,
c’est toujours la même claque car oui, mille fois oui, La Grande Illusion est
un sacré bon film. Tout ce que j’ai pu dire vous parait être des défauts ? Que
nenni, ce sont là des qualités, parmi tant d’autres, de cette œuvre, de ce film
de guerre où l’on ne voit pas forcement celle ci – tout se déroule quasiment
dans des camps de prisonniers – même si, forcément, elle n’en est pas moins
présente et dont le sujet principal est indéniablement les rapports de classe
au sein de la société et qui vont même au-delà des frontières. Ainsi, que ce
soit les représentants de l’aristocratie avec le capitaine Boëldieu et von
Rauffenstein, ennemis car dans des camps opposés mais qui se respectent
grandement, la grande bourgeoisie avec Rosenthal, la classe moyenne avec
l’instituteur et la classe populaire avec Maréchal, les affinités se font
malgré les aléas de la guerre. Et ici, ce qui prime d’abord, c’est le respect :
celui entre représentants d’une même classe, forcément, mais aussi, celui aux
camarades, a la patrie, à leur camp, quel que soit leur origines (Boëldieu
n’est pas du même monde que ces compatriotes prisonniers mais « c’est
un type bien ») nous avons là des hommes tels qu’il n’y en a plus, des
hommes qui faisaient leur devoir parce qu’il fallait le faire, des hommes qui
nous apparaissent, avec du recul, forcement étranges, surtout pour notre
société occidentale qui n’a plus connue de conflit majeur depuis sept décennies
et qui est devenue plus insouciante, plus égoïste mais aussi moins patriotique
et peut être tout simplement moins adulte. Mais par ces mots, je ne viens pas
faire là l’apologie de la guerre, surtout qu’il faut reconnaitre que La
Grande Illusion est une formidable œuvre pacifique, comme le sera,
mais avec moins de force, quelques années plus tard, Les
Sentiers de la Gloire. Ici, et il faut louer Jean Renoir pour cela,
l’ennemi est semblable à l’ami, il n’y a pas de différences entre les deux
camps et les gardes allemands – ici âgés car les jeunes, eux, sont au front –
sont compréhensifs et les relations sont assez bonnes, voir mêmes pour certains,
amicales. D’ailleurs, c’est plutôt une bonne chose que La Grande Illusion nous
les montre ainsi : le temps ayant passé, la propagande des deux camps n’étant
plus qu’un vieux souvenir, il serait de bon ton, je pense, que l’on admette
finalement que ce fameux conflit de 14/18, aussi meurtrier et horrible fut-il,
n’a strictement rien à voir avec celui qui suivit, deux décennies plus a tard.
Dans ce que l’on surnomma la Der des Ders, pas de « gentils » ni
de « méchants », mais un conflit, finalement inévitable et voulu
par les deux camps où les responsabilités des pertes humaines sont à partagées
par tout le monde. Mais aussi, un conflit qui, quelque part, fut fatal à
l’Europe et à ses siècles d’histoire, a sa grandeur et à sa domination
culturelle, scientifique et matérielle sur le reste du monde. Comme le dit
Boëldieu a von Rauffenstein, cette guerre est la fin d’un monde, le leur, celui
de l’aristocratie, et ceux qui les remplaceront sont déjà là, représenter ici
par Rosenthal (la bourgeoisie) et Maréchal (les classes populaires). «
Pour un homme du peuple, mourir à la guerre est triste. Pour nous, c’est une
bonne solution » ; autres temps, pourtant pas si lointain quand on n’y
pense, autres façons de penser, voir même, de se sacrifier dans ce qui reste
comme l’un des grands moments du film avec cette opposition – pour des gens du
commun – entre Boëldieu et von Rauffenstein. Plus de huit décennies se sont
donc écoulées depuis la sortie de La Grande Illusion et ce
film n’a toujours rien perdu de sa force : que ce soit par ses acteurs,
Jean Gabin, Pierre Fresnay ou Erich von Stroheim, tous tout bonnement
excellent, par les sujets abordés, son synopsis et son message pacifique assumé
– qui lui voudra bien des ennuis par la suite sous l’occupation – il est indéniable
que l’œuvre de Jean Renoir, malgré le temps qui est passé, n’en est pas moins
un formidable instantané de ce que fut une époque, aujourd’hui révolue et que
l’on a tendance à oublier. Un grand film, français de surcroit (mais avant la
deuxième guerre mondiale, le cinéma européen rivalisait largement en qualité
avec les productions US), qui connut en son temps un succès extraordinaire (ne
dit-on pas que même le Duce en était fan) et que tout amateur de cinéma digne
de ce nom se doit d’avoir vu au moins une fois dans sa vie…
Points
Positifs :
-
Sans nul doute un des plus grands films français de tous les temps, rien que ça !
Il faut dire que La Grande Illusion,
formidable instantané d’une époque est davantage qu’un simple film de guerre :
œuvre pacifiste, de fraternité, de rapports entre les classes sociales par delà
les frontières, le long métrage de Jean Renoir fait parti de ces
incontournables qu’il faut avoir vu au moins une fois dans sa vie.
-
Davantage un film sur les rapports entre les hommes et les classes sociales en
temps de guerre, La Grande Illusion
marque les esprits par ses dialogues mais aussi par son coté fin d’une époque,
la classe ouvrière et la bourgeoisie étant, naturellement, amenés a remplacés la
vieille noblesse européenne a l’issu de cette guerre.
-
Un casting tout simplement excellent : Jean Gabin, Pierre Fresnay, Marcel
Dalio, Erich von Stroheim, pour ne citer que les plus célèbres, mais les autres
acteurs étaient, eux aussi, pour beaucoup, des figures marquantes à l’époque.
-
Si Jean Gabin est tout simplement excellent en Titi Parisien, reconnaissons que
les rapports entre Pierre Fresnay et Erich von Stroheim sont les plus
marquants.
-
Un film de guerre avec aucun personnage négatif, ma foi, c’est un exploit !
-
Un exemple parfait que, avant la Seconde Guerre Mondiale, le cinéma européen n’avait
strictement rien à envier a celui d’outre-Atlantique.
Points
Négatifs :
-
Quel dommage que la fin initiale – en se séparant, Maréchal et Rosenthal se
donnaient rendez-vous dans un grand restaurant parisien pour fêter la victoire.
Au jour dit, les deux chaises restaient vides, sans que l’on sache ce qui leur
était arrivé – n’ai pas été tournée. Avec celle-ci, le film aurait été parfait !
-
Reconnaissons que le grand public aura du mal avec une œuvre qui accuse tout naturellement
son âge. Après, c’est bien entendu une affaire d’habitude et de gouts
personnels… même si je dois reconnaitre que ce n’est pas évident de se coltiner
des chansons comme Frère Jacques ou Il était un petit navire…
-
Hum, à chaque fois que Erich von Stroheim parlait en français, je devais monter
le volume – un petit souci du coté de la bande son, indéniablement.
Ma
note : 8,5/10
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