LES
SCARIFIÉS
Jeune
traductrice de langues oubliées, Bellis fuit Nouvelle-Crobuzon à bord du
Terpsichoria en route vers l’île Nova Esperium. Arraisonné par des pirates, le
navire est conduit vers Armada, improbable assemblage de centaines de bateaux
hétéroclites constitués en cité franche, régie par les lois de la flibuste.
Bellis y rencontrera bientôt les deux seigneurs scarifiés d’Armada, les Amants,
ainsi qu’Uther Dol, mercenaire mystérieux aux pouvoirs surhumains. Un trio qui
poursuit sans relâche une quête dévorante, la recherche d’un lieu légendaire
sur lequel courent les mythes les plus fous. Sollicitée pour ses talents de
linguiste, Bellis commence alors le plus stupéfiant des voyages, un périple aux
confins du monde.
Les Scarifiés
Auteur
: China
Miéville
Type
d'ouvrage : Science-Fiction, Dystopie, Fantasy
Première
Parution : 29 juin 2004
Edition
Poche : 13 novembre 2008
Titre en
vo : The
Scar
Pays
d’origine : Grande-Bretagne
Langue
d’origine : Anglais
Traduction : Nathalie
Mège
Editeur : Pocket
Nombre
de pages : 849
Mon
avis : Deuxième œuvre de China Miéville se
déroulant dans ce que l’on pourra surnommer le cycle de Bas Lag, Les
Scarifiés est ce que l’on appelle communément une vraie fausse suite ;
je m’explique : si l’univers est le même, si certains éléments de l’intrigue
de Perdido
Street Station sont révélés, liant ainsi les deux œuvres, il est
indéniable que celles-ci sont indépendantes l’une de l’autre, nul besoin
d’avoir lu Perdido pour apprécier Les Scarifiés.
Pourtant, je vous conseille fortement, si jamais le cœur vous dit de découvrir
cet auteur et son univers, de lire les romans dans l’ordre : tout d’abord, s’il
n’était pas toujours évidant de s’y retrouver dans la première entre les
différentes races, les formes de magie et de sciences utilisés, c’est encore
pire si l’on commence par Les Scarifiés puisqu’en effet, China
ne prend pas la peine de revenir sur ce qu’est un Cactacé ou un Vodyanoï par
exemple ; ainsi, si le lecteur familiariser avec cet univers, une fois
retrouver ses habitudes, pourra se concentrer sur les nouveautés a proprement
parler (nouvelles races par exemple, histoire du Bas Lag etc.), le néophyte
risque rapidement d’être totalement dépassé par la chose et le plaisir de la
lecture risque indéniablement d’en prendre un coup. De même, si les liens avec
l’intrigue de Perdido Street Station sont indéniablement
infimes, ils n’en existent pas moins, et autant les apprécier en lisant le
cycle (enfin, cycle est un bien grand mot) dans l’ordre selon moi. Mais tout
ceci étant dit, qu’en est-il véritablement de la valeur intrinsèque de ces Scarifiés ?
Place au grand large, au voyage et a l’aventure sur les mers du Bas Lag, voilà
les promesses de départ des Scarifiés. Mais les apparences sont
bien souvent trompeuses : en effet, si dans Perdido Street Station,
le personnage principal du roman était indéniablement la ville, Nouvelle
Crobuzon et que toute l’intrigue se déroulait, a une ou deux exceptions prêt,
intramuros, l’on retrouve de façon surprenante de première abord, une autre
ville, tout autant fantastique, impressionnante et inoubliable, et
accessoirement, aussi bien détaillée et ayant la même importance que sa
devancière, Armada, la citée pirate légendaire qui navigue sur les mers. Ainsi,
si voyage il y a, c’est la ville elle-même qui se déplace, et non les
personnages, ce qui, convenons en, est fort peu commun est sacrement original.
Certes, cette fois ci, quelques excursions « extérieures » ont
lieu, ce qui nous change du coté oppressant de Nouvelle Crobuzon, mais que l’on
ne se trompe guère, Armada n’est jamais bien loin, et même le passage se
déroulant loin de la citée, sur l’Ile Moustique, est d’une oppression
psychologique pour les protagonistes rarement atteinte. D’ailleurs, il est
curieux de constater que celle fameuse Armada, repaire de pirates, il faut en
convenir, est par ailleurs bien plus agréable a vivre pour ses habitants que
Nouvelle Crobuzon par exemple, et que les rares moments dans le livre, où
l’action se déroule hors de celle-ci, dans l’Ile Moustique donc, mais aussi,
vers la fin, au fin fond de l’océan, l’on retrouve un sentiment de danger,
d’oppression et d’insécurité bien plus fort que sur ce qui apparaît au début du
roman comme un vulgaire repaire de brigands et de pirates sans foi ni loi.
Cette opposition, entre Nouvelle Crobuzon et sa toute puissance, mais son coté
quasi dictatorial et Armada, vivant de rapines et de commerces, hors la loi
indéniablement mais ouvert sur l’extérieur, accueillant tous et toutes,
grandissant de par ses nouvelles recrues m’a rapidement sauter aux yeux est me
semble être un élément majeur de l’œuvre qui a son importance. Mais tout n’est
pas simple dans Les Scarifiés, j’en conviens. Comme ce fut le cas
avec Perdido Street Station, il faut diablement s’accrocher au
départ pour rentrer vraiment dans l’histoire ; dans les deux cas, il me fallut
bien plus d’une soixantaine de pages et quelques jours d’effort pour
m’imprégner totalement dans l’intrigue et en apprécier toute la substance. Mais
une fois à fond dedans, alors là, le plaisir est au rendez vous, et
franchement, cela vaut le coup ! Car une fois de plus, China Miéville a fait
fort, très fort, et, en suivant le destin d’une traductrice, Bellis Froidevin,
fuyant Nouvelle Crobuzon (et accessoirement les événements s’y étant déroulées
dans Perdido) et dont le navire sur lequel elle se trouvait et
arraisonner par la flotte d’Armada avant que son équipage, ses passagers et ses
esclaves ne soient amener, de force, sur la citée flottante, c’est une intrigue
exceptionnelle qui s’ouvre au lecteur : sous des aspects de « chasse au
trésor » ; l’Advanç, d’abord, formidable Léviathan des mers issue
d’une autre plan d’existence, la Balafre, ensuite, lieu semi légendaire qui
attise bien des convoitises ; le récit s’avère être bien plus complexe qu’il
n’y paraitrait de prime abord : manipulation, le mot est lâché et reviendra
sans cesse tout au long de l’histoire au point que l’on ne sait plus qui est
avec qui, qui manipule qui, que l’on en vient a douter des faits et gestes de
chaque protagonistes et que, au fil des pages, les certitudes que l’on s’était
péniblement faites s’effondrent, devant chaque nouvelle révélations, sans que
l’on fasse tout a fait confiance a celles-ci. Car a force de nouvelles
découvertes, à chaque nouvelle manipulation révélée, l’on n’en vient à devenir
paranoïaque, même si l’on ne se trompe pas sur quelques suspects évidant ;
enfin, encore faut-il comprendre le pourquoi du comment et les motivations de
chacun. Et là, c’est loin d’être gagner. Et les personnages, je ne vous avais
pas encore parlé de ceux-ci. Une fois de plus, China Miéville nous sort des
protagonistes divers et variés, tous inoubliables, que cela soit des acteurs
majeurs comme cet archétype du guerrier ultime, invincible, Uther Dol, peut
être l’un des personnages les plus puissants qu’il m’ai été donné de découvrir dans
un roman, au charisme et aux pouvoirs rarement atteints, mais aussi Bellis
Froidevin, froide, apparemment sans cœur, qui ne rêve que de s’échapper
d’Armada et qui verra ses convictions et ses espoirs mis a mal tout au long du
récit, les Amants, dirigeants au départ de l’un des secteurs d’Armada, couple
fusionnel jusque dans leurs scarifications amoureuses et véritables meneurs des
visées nouvelle de la citée flottante, le Brucolac, un vampère (et oui, chez le
sieur China, il faut s’habituer a un vocabulaire particulier mais non
déplaisant) aux terribles pouvoirs, mais loyal envers sa nouvelle ville,
Tanneur Sacque, un recrée de Nouvelle Crobuzon, fidèle envers sa nouvelle
patrie et qui porte un amour paternel envers un ancien mousse du bateau qui
l’amenait en esclavage et Simon Fennec, le soit disant marchand de Nouvelle
Crobuzon, bien a l’aise dans son nouvel élément et qui en sait beaucoup plus
qu’il n’y parait. Mais si ceux-ci, de part leurs importance dans le récit
viennent invariablement en première ligne, les personnages secondaires ont une
importance non négligeable et pour certains, même, avaient la carrure pour de
plus grands rôles : comment ne pas penser tout de suite a Tintinnabule, le plus
grand chasseur du tout Bas Lag, accompagner de son équipe et qui sont là pour
le légendaire Advanç, rien qu’avec lui, il y aurait presque de quoi écrire un
très bon roman. Mais les autres, tous les autres, de l’homme moustique savant
au Cactacé aéronaute et dubitatif devant la tournure que prennent les événements,
China Miéville nous a offert une formidable galerie de personnages que l’on
n’est pas prêt d’oublier. Les Scarifiés, vous l’avez compris, est tout
simplement un excellent roman, a mes yeux, tout aussi bon que son prédécesseur,
le formidable Perdido Street Station, qu’il complète de la plus
belle des façons dans un univers, le Bas Lag, où il reste tant à écrire. Tant
par le fond que par la forme, tout est parfait du début a la fin, et même s’il
n’est pas facile d’accès, même si ses premières pages ne sont pas évidentes et
qu’il faut sacrement s’accrocher, il me semble qu’il mérite largement tous les
efforts possibles car au final, il ne pourra que vous ravir. Indéniablement,
China Miéville est un auteur immense, au talent tout bonnement étonnant ; cela
fait deux œuvres que je lis de lui et j’en ressors estomaqué a chaque fois, ce
qui, je le reconnais, ne m’arrive pas souvent. Alors oui, comme dans Perdido
Street Station, cela ne finit pas si bien que cela, pas de happy-end a
l’américaine comme on en voit dans tellement d’œuvres, et ce fait déplaira a
certains, mais franchement, est ce vraiment un mal ? Je ne le pense pas. Reste
ce titre, Les Scarifiés. Evidement, ce sont les Amants, les
dirigeants d’Armada, aux visages sans cesse changeants et qui veulent ne former
qu’un seul être, mais c’est aussi la Balafre, ce lieu du Bas Lag dévasté il y a
des milliers d’années par l’arrivée d’êtres venus d’ailleurs, formidable
cicatrice dans le réel du monde ; et des cicatrices, il y en a d’autres, dans
la chair de certains, bien évidement, mais aussi dans les cœurs, dans les
certitudes de beaucoup a l’issue des événements voir même dans la ville,
Armada, qui n’en sortira pas indemne. Bref, un grand moment de lecture, comme
j’aimerais en connaître plus souvent et un univers dont j’ai vraiment hâte d’y
replonger. J’espère, sur ce point, que Le Concile de Fer, troisième
titre du cycle, sera a la hauteur...
Points
Positifs :
- Un
claque monumentale, rien que ça ! Car non seulement China Miéville réussi
le tour de force de nous pondre un roman aussi bon que Perdido Street Station mais, par moments, Les Scarifiés dépasse son illustre prédécesseur en intensité.
Ainsi, si d’un point de vu personnel, je garde une préférence pour Perdido, il est incontestable que Les Scarifiés est lui aussi un énorme
chef d’œuvre !
-
Un China Miéville au sommet de son imagination et de son art : il faut
dire qu’ici, l’auteur britannique va encore plus loin et entre de nouvelles
créatures – les meilleures étant, de loin, les hommes et femmes moustiques – les
lieux explorés et la narration d’une partie de l’histoire du Bas Lag, l’amateur
du sieur Miéville sera aux anges.
-
Un casting important et charismatique : il faut dire qu’entre Bellis
Froidevin, Uther Dol, les Amants, le Brucolac, Tanneur Sacque, Simon Fennec,
pour ne citer que les personnages majeurs, il y a de quoi faire… et quand on
pense que les seconds rôles marquent aussi les esprits…
-
Malgré ses plus de 800 pages, Les
Scarifiés est tellement captivant qu’on ne s’ennui pas une seule seconde et
tout cela se dévore d’une traite, ou presque ! Il faut dire que Miéville,
malgré son style, nous entraine dans un récit audacieux mais oh combien réussi.
-
Après New Crobuzon place à Armada, la cité pirate flottante !
-
L’Advanç, créature abyssale et colossale issue d’un autre plan d’existence…
mais où Miéville va-t-il chercher tout cela ?
-
Même la couverture de l’édition française est superbe !
Points
Négatifs :
- Comme
cela avait été le cas avec Perdido Street Station, il est plutôt difficile
de se lancer dans Les Scarifiés et il
vous faudra une bonne cinquante de pages pour, vraiment, entrée dans le vif du
sujet et vous faire au style complexe de Miéville, mais une fois que cela sera
fait…
-
Forcément, toute cette complexité et ce style particulier propre a l’auteur ne
plaira pas a tout le monde.
Ma
note : 9,5/10
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