FROM HELL
FROM
HELL
Septembre
1923, sur une plage de Bournemouth, ville portuaire située sur la côte sud de
l'Angleterre, dans le comté de Dorset. Deux vieillards marchent sur le sable et
dissertent ensemble. La Première Guerre Mondiale leur semble encore bien proche.
M. Lees pense qu'elle est annonciatrice de la fin du capitalisme. Bien qu'il
soit issu des classes moyennes, il se revendique d'un socialisme, qui, bientôt,
renversera, par l'accession du Parti Travailliste, le régime de Sa Majesté. M.
Abberline, lui, au contraire, est issu d'une famille ouvrière qui a toujours
voté pour les Tory. Mais ce qui taraude vraiment les deux patriarches, ce n'est
pas tant la situation politique de leur patrie que les remords et la
culpabilité qu'ils partagent. Lees, pour la première fois de sa vie, avoue
qu'il a été un imposteur. Abberline, quant à lui, a été un flic qui a préféré
se taire. Tous deux s'accordent à avouer qu'ils se sont enrichis avec rien.
Plus exactement avec le silence. L'ex-flic en a tiré une pension confortable et
ses économies s'évaluent aussi à une tonne d'ennuis qu'il a évités en se
taisant. Le voici jouissant de bons à côtés et d'une maison coquette située sur
le front de mer et dans laquelle il va accueillir sa vieille connaissance
qu'est Lee. Il lui souhaite la bienvenue dans la demeure que Jack a bâtie...
From Hell
Scénario
: Alan Moore
Dessins
: Eddie Campbell
Encrage : Eddie
Campbell
Couleurs : Eddie
Campbell
Couverture : Eddie
Campbell
Genre : Horreur,
Policier
Editeur : Taboo
Titre
en vo : From Hell
Pays
d’origine : Grande-Bretagne
Langue
d’origine : anglais
Parution
: 23
décembre 1999
Editeur
français : Delcourt
Date
de parution : 24 octobre 2000
Nombre
de pages : 576
Liste
des épisodes
From
Hell 1-10
Mon
avis : Après les chefs-d’œuvre
incontestables que furent V pour Vendetta et Watchmen,
Alan Moore confirme tout le bien que l’on pense de lui et, indéniablement, son
génie avec la sortie, a la toute fin des années 90, de ce véritable monument de
la bande dessinée qu’est From Hell. Ainsi, dans ce véritable pavé,
le scénariste britannique convoque des figures mythiques – Baal, Horus, Dionysos
– bibliques, littéraires, tout en mettant en avant la plus célèbre des sociétés
secrètes, la fameuse Franc-maçonnerie, pour une plongée dans l’apocalypse du
Londres victorien, a la fin du règne Victorien et, plus précisément, pour nous
donner sa vision des tristement célèbres crimes d’un certain… Jack l’Éventreur !
Naturellement, les lecteurs de la Ligue
des Gentlemen Extraordinaires seront en terrain familier : le
programme de Moore s’abreuvant encore une fois aux sources de l’enfer et du
chaos pour dépeindre un monde cauchemardesque aux vertus libératrices. Cependant,
il ne faut pas s’y méprendre, From Hell n’est pas que le
simple récit d’une enquête policière, avec le plus célèbre des serials killers
et des meurtres à élucider. Au-delà de l’intrigue en elle même – Moore reprend
ici une des nombreuses thèses au sujet de l’identité de Jack l’Eventreur,
probablement la plus connue mais pas forcément la plus crédible – le récit
propose plutôt une réflexion métaphysique d’une profondeur inouïe, prenant pour
objets le pouvoir, l’aliénation de l’homme et sa folie. Œuvre résolument noire,
brillante réflexion sur le mal et ses déclinaisons crépusculaires, From
Hell plonge le lecteur dans les recoins de l’âme et de la conscience
pour fabriquer son propre mythe, celui d’un mal sans fin. Tel un miroir ou un
écho fantasmé, le graphisme d’Eddie Campbell se met au diapason de l’ambiance
glauque, avec un noir et blanc dégoulinant de crasse, sale et charbonneux. Tour
à tour dépouillé et rigoureux, le trait vient sublimer la portée symbolique du
propos. Le mélange d’une écriture profonde et d’un dessin au cordeau, accouche
d’une construction magistrale, propre à faire de From Hell un
véritable chef-d’œuvre du neuvième art. Soulignons enfin la rigueur d’Alan
Moore. En effet, afin de mieux montrer le chaos, il se fait brillant chercheur
en compilant une documentation très fouillée, quasiment exhaustive, dans une
affaire où les convictions l’emportent largement sur les certitudes, quarante
pages de notes venant clore cette œuvre à l’équilibre parfait. Sombre portrait
d’une modernité à venir, From Hell – qui annonce d’une
certaine manière l’avènement des régimes totalitaires – vous invitera
finalement à mieux connaître l’essence humaine. Une œuvre cathartique, un horizon
indépassable et qui est, tout simplement, culte…
Points
Positifs :
- Un
des plus grands chefs d’œuvres d’Alan Moore, tout simplement ! Il faut
dire que, en s’attaquant à la figure mythique de Jack l’Eventreur, le scénariste
britannique réussit non seulement son pari mais surtout, en nous livrant un
tour de force peu commun, scénaristiquement parlant et en usant, comme à son
habitude, de ses nombreuses connaissances, Moore livre une œuvre peu commune, d’une
complexité rare mais qui s’avère, pour peu que l’on s’y accroche, être une pure
merveille !
-
Bien évidement, il y aurait à redire sur l’hypothèse choisie par Alan Moore
pour ce qui est de l’identité de Jack l’Eventreur, cependant, force est de
constater que celle-ci est, sans aucun doute, la plus attirante, ne serais-ce
que parce qu’elle met en cause un individu connu et fort proche du pouvoir
royal. Du coup, il est difficile de ne pas adhérer à celle-ci…
-
Le choix du noir et blanc s’avère être fort judicieux et si, de prime abord, on
peut trouver le style d’Eddie Campbell pour le moins brouillon, ce n’est qu’une
fausse impression : l’artiste est nettement plus talentueux qu’on pourrait
le penser et son choix de nous proposer une vision sale et sombre du Londres
Victorien est un plus indéniable qui nous permet de mieux nous plonger dans l’ambiance
malsaine du récit.
-
Comme à chaque fois avec Alan Moore, c’est complexe, bourré de références à
l’histoire, à la culture populaire, aux mythes et aux légendes, cependant, si
vous possédez quelques bonnes connaissances et que vous êtes fan du genre,
alors, la lecture de From Hell sera
un pur régal pour vous.
-
Les notes, nombreuses, permettent de mieux comprendre l’œuvre d’Alan Moore.
Points
Négatifs :
-
Comme souvent chez Moore, posséder de bonnes connaissances en histoire s’avère
nécessaire pour mieux saisir toutes les subtilités de ce From Hell,
sans parler, bien entendu, des nombreuses références qui parsèment les presque
600 pages de cet album.
-
Une œuvre absolument pas grand public et d’une complexité rare. Bref, a ne pas
mettre entre toutes les mains…
Ma
note : 10/10
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