mardi 14 août 2018

LÀ OÙ VONT NOS PÈRES


LÀ OÙ VONT NOS PÈRES

Dans un intérieur modeste, un père de famille fait sa valise, prenant soin d’emballer précautionneusement un cadre, dans lequel il pose avec sa femme et sa fille. Il lui faut partir, en éclaireur, dans le but de trouver une meilleure conjoncture politique et sociale que celle qui régit leur quotidien. Le quai d’une gare, un train, un dernier au-revoir… Les adieux sont déchirants. Ils sont nombreux comme lui, sur le paquebot, à faire ce long voyage dans de chiches conditions. Enfin, la terre d’accueil est en vue : gigantesque, moderne, nouvelle, libre !... mais inconnue. Dès l’arrivée, en compagnie de centaines d’autres, il doit subir de nombreux tests. Eprouvante, cette phase est destinée à mieux orienter tous les migrants dans ce monde bien organisé. Un papier officiel à la main, tamponné comme il faut, le voilà en route à travers un paysage urbaine dantesque et énigmatique, vers sa zone d’affectation. Dès lors, il doit tout apprendre des rouages de cette société. Réapprendre à communiquer, à acquérir son autonomie… à vivre !


Là où vont nos pères
Scénario : Shaun Tan
Dessins : Shaun Tan
Encrage : Shaun Tan
Couleurs : Shaun Tan
Couverture : Shaun Tan
Genre : Société
Editeur : Hodder Children's Books
Titre en vo : The Arrival
Pays d’origine : Australie
Langue d’origine : anglais
Parution : 01 octobre 2007
Editeur français : Dargaud
Date de parution : 01 mars 2007
Nombre de pages : 128

Mon avis : Ce n’est pas évidant de critiquer une œuvre qui, dans l’ensemble, a eu le privilège de recevoir tant de critiques pour le moins élogieuses, une œuvre qui transcende son genre d’origine – ici, la bande dessinée – et qui peut toucher un public réfractaire a ce dernier. Car oui, pour apprécier Là où vont nos pères, il n’est nullement besoin d’être un amateur de BD, loin de là. Cependant, peut être vous faudra t’il une certaine sensibilité d’une part, un goût certain pour l’imaginaire et, surtout, vous aménager un certain temps au calme et au silence, seul, afin de mieux vous immerger dans cette œuvre pour le moins singulière mais qui ne vous laissera pas indifférent. Ainsi, après un préambule ou l’on découvre des dizaines de visages aux origines diverses, l’on entre doucement dans l’histoire elle-même, avec le départ d’un père et sa séparation, forcement douloureuse, avec ses proches, le tout sous un fond sépia qui ne nous quittera pas tout au long de l’album, lui donnant un aspect graphique du plus bel effet. Cette scène, mille fois vue et revue, voir vécue, n’est qu’une entrée en matière, et ne nous permet pas d’imaginer la suite. Tout au plus sais t’on que cet homme part travailler ailleurs, dans un lieu où, forcement, la vie sera plus facile pour lui et les siens. Les raisons de son départ, on ne les connaît pas précisément, mais la dernière case, nous les laisse deviner, et ce, de façon imagée… En fait, c’est ainsi que j’ai vu cet album, où notre réalité est dépeinte avec des paraboles, des métaphores, mais que l’on peut parfaitement reconnaître. Bien évidement, Là où vont nos pères était une parabole sur l’immigration, cependant, malgré le fait que le sujet a déjà été traité a de multiples reprises, force est de constater que tout cela est plutôt bien traiter. Ainsi, pendant que les pages défilent, on s’aperçoit que tout est suggéré et que les liens entre cet étonnant Pays des Merveilles, digne de celui d’Alice, et notre monde sont nombreux, ne serais que pour la scène où le navire qui emmène les immigrés arrive devant le port de ce qui ressemblerait bien à New York si un architecte sous acide en avait tracé les plans. Ce parti pris graphique de l’auteur, alterne donc entre des cases intimistes et de grandes doubles pages magnifiques, et nous montre, ainsi, ce que peut ressentir un étranger arrivant pour la première fois dans un nouveau pays, si différent du sien, avec les difficultés qui l’accompagnent : se faire comprendre, trouver un logement, un travail, apprendre la langue, découvrir de nouvelles coutumes etc. Alors, bien évidemment, notre personnage principal a de quoi être perdu en arrivant en un tel endroit. Mais si, dans cette BD, le coté ville féerique est mis en avant, dans notre monde réel, les difficultés n’en sont pas moins importantes. Alors, je ne vous dévoilerais pas davantage l’histoire en elle-même, cela serait gâcher le plaisir si important de la découverte par sois même. Tout au plus me répéterais je en vous conseillant vivement cette œuvre emplie de métaphores, aux graphismes féeriques et inoubliables qui ne pourra vous laisser insensible, en particulier, si comme moi, vous vous retrouver dans cette histoire. De part mes origines, c’est le cas : mes parents, un jour, on quittés leurs pays natal comme tant d’autres, et c’est pour cela que Là où vont nos pères m’a autant touché, les difficultés vécues par le personnage principal ne m’étant pas entièrement étrangères. A moi, comme à tant d’autres… Et sincèrement, on peut être davantage touché par ce que certains appelleraient dédaigneusement une vulgaire BD que part un énième reportage sur l’immigration…


Points Positifs :
- Une œuvre magnifique sur l’immigration et qui, au demeurant, vaut tous les reportages du monde sur le sujet. Il faut dire qu’avec ce que certains estimeront être juste une simple bande dessinée, Shaun Tan réussit la gageure de traiter de tout ce qui touche l’immigration, c’est-à-dire, l’impératif de partir – quel qu’il soit – le déchirement familial, le voyage, les difficultés des débuts, l’adaptation a un monde complètement différent puis, pour finir, les retrouvailles avec la famille lorsque, enfin, la situation professionnelle est stabilisée.
- L’auteur use abondement de nombreuses métaphores et a fait de cette espèce de New-York, un monde féerique fort différent du notre et incompréhensible pour son migrant ; mais c’est pour mieux nous montrer comment ces derniers peuvent être perdus lorsqu’ils arrivent chez nous.
- Visuellement, Là où vont nos pères est une pure merveille. Il faut dire qu’entre le choix de Shaun Tan de s’inspirer de vieilles photos pour ses personnages, le design de l’ensemble et ces tons sépias, cette BD est un pur régal pour nos yeux.
- Aucune parole dans cet album, mais celles-ci ne se justifiaient nullement et l’ensemble est parfaitement compréhensible.
- Une œuvre qui touchera particulièrement tous les enfants d’immigrés.

Points Négatifs :
- L’auteur s’attarde un peu sur certains passages pas forcément indispensables et un peu moins sur d’autres plus vitaux – comme, par exemple, les difficultés à trouver un travail pour son héros.
- Malgré toutes ses qualités, Là où vont nos pères n’est pas non plus un chef d’œuvre absolu qui révolutionnera l’histoire de la bande dessinée, comme j’ai put le lire ici ou là, non, c’est une excellente BD engagée et qui témoigne fort bien d’un sujet oh combien d’actualité. Et c’est tout.

Ma note : 8/10

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