LA
PIEL QUE HABITO
Depuis
que sa femme a été victime de brûlures dans un accident de voiture, le docteur
Robert Ledgard, éminent chirurgien esthétique, se consacre à la création d’une
nouvelle peau, grâce à laquelle il aurait pu sauver son épouse. Douze ans après
le drame, il réussit dans son laboratoire privé à cultiver cette peau :
sensible aux caresses, elle constitue néanmoins une véritable cuirasse contre
toute agression, tant externe qu’interne, dont est victime l’organe le plus
étendu de notre corps. Pour y parvenir, le chirurgien a recours aux
possibilités qu’offre la thérapie cellulaire. Outre les années de recherche et
d’expérimentation, il faut aussi à Robert une femme cobaye, un complice et une
absence totale de scrupules. Les scrupules ne l’ont jamais étouffé, il en est
tout simplement dénué. Marilia, la femme qui s’est occupée de Robert depuis le
jour où il est né, est la plus fidèle des complices. Quant à la femme cobaye…
Ce
n’est certes pas la première fois que je vous le dit en écrivant une critique
(qu’elle soit d’un film, d’un roman ou d’une BD) mais je vais le refaire car
cela me semble nécessaire de me répéter : il m’est décidément bien plus
difficile d’écrire une critique positive d’une œuvre qu’une négative. Pour
quelle raison ? Peut-être tout simplement parce que pointer les doigts les
défauts d’une œuvre, en dire du mal, la descendre allègrement est chose aisée,
surtout quand cela est fort méritée. Cependant, et je regrette de ne pas avoir
le talent pour, louer les qualités comme, dans le cas présent, d’un film
réussi, m’est bien plus difficile. Peut-être qu’avec le temps, j’y parviendrais
plus facilement, du moins, je le souhaite, mais quoi qu’il en soit, pour le
moment, je tiens à m’excuser par avance si la critique suivante n’est pas à la
hauteur de ce que j’aurais souhaité, surtout qu’elle méritait bien mieux.
Ceci
étant dit, il est temps de s’attaquer au nœud du problème, je veux bien
évidement parler de la dernière œuvre de l’inimitable réalisateur espagnol, le
célèbre Pedro Almodovar, La piel que
habito. J’ai eu l’occasion, au cours de ma vie, de voir bon nombre de films
de celui-ci mais assez curieusement, sur ce blog, je ne vous avais proposé
jusqu’à maintenant qu’une seule et unique critique de l’une de ses œuvres, Etreintes
brisées il y a de cela près de deux ans déjà. Pourtant, j’aime bien les
films d’Almodovar, et ce, même si comme cela m’arrive souvent, il m’aura fallu
bien des années pour savoir en apprécier toute les subtilités de ceux-ci. Mais
désormais, je suis toujours partant pour voir, ou revoir, n’importe laquelle de
ses œuvres et, accessoirement, il faudra bien qu’un de ces quatre matins, je me
retape La mauvaise éducation, acheté
il y a déjà quelques mois et que j’avais particulièrement bien apprécié lorsque
je l’avais vu la première fois. Mais là n’est pas la question puisqu’il est
temps de découvrir ce que vaut vraiment ce fameux La piel que habito.
La peau que j’habite,
traduction en français du titre de ce film (d’où l’intérêt de le garder en
version originale) est probablement l’une des œuvres d’Almodovar qui aura fait couler
le plus d’encre parmi ses nombreux fans : en effet, depuis sa sortie, c’est
fou le nombre d’avis contraires que j’ai pu lire à son sujet entre ceux qui
adorent, le portant aux nues, et les autres que le descendent allègrement – et je
ne prends pas en compte les avis des non connaisseurs du maitre, sinon, on n’en
sort pas. Bref, cela pour vous dire que La
piel que habito est tout sauf une œuvre consensuelle. Pourtant, de prime
abord, l’on retrouve dans ce film tout ce que j’appellerais être le « folklore » ou plus
exactement la matière commune au réalisateur espagnol : rapport compliquer
a la mère, sexualité ambivalente, personnages tourmentés au possible et brisés
par le destin, ce qui fait qu’immédiatement, l’on se trouve en territoire connu.
De même, comme à chaque nouveau film, il faut un certain temps pour rentrer
véritablement dans l’histoire car tout, bien évidemment, n’est pas simple, les
situations croisées, les divers allers retours dans le temps ne sont pas évidentes
à comprendre tant que l’intrigue n’avance pas. Mais là aussi, l’on se trouve en
territoire connu. Mais dans La piel que
habito, tout cela, tous ces éléments sont poussés à leur paroxysme et l’on
atteint assez rapidement des sommets insoupçonnés et rarement atteints dans le
cinéma au point que certaines scènes soient tout bonnement indicibles et
puissent en choquer plus d’un. D’ailleurs, est cela qui aura déplu à plus d’un
spectateur ? Cette montée en avant dans l’horreur tant psychologique et
physique par un Almodovar qui repousse encore plus loin ses propres frontières ?
Probablement est-ce une explication ; personnellement, j’ai adoré, mais je
peux concevoir parfaitement que ce parti pris assez dur ait put déplaire a pas
mal de monde.
Mais
arrivé à ce point de ma critique, je me retrouve devant un problème cornélien :
aller plus loin dans celle-ci signifierait dévoiler une bonne partie de l’intrigue
et, du coup, enlever tous les éléments de surprise qui font toute la force de
cette œuvre. Or, cela, je ne m’y résous pas car si quelqu’un lirais ce billet
sans avoir vu le film, tout le plaisir de la découverte serait irrémédiablement
gâché. La seule chose que je peux vous dire, c’est que sous une esthétique d’une
précision chirurgicale, Almodovar nous entraine très loin dans la folie des
hommes dans ce Piel que habito :
avec un scénario diabolique au possible, des personnages forts et sublimés par
les prestations extraordinaires des acteurs – Antonio Banderas, que l’on ne
voyait plus aussi bon depuis des siècles, Marisa Paredes, probablement la plus
grande actrice ibérique et l’étonnante Elena Anaya qui vous en fera voir de
toutes les couleurs – et certaines scènes insoutenables au possible, il me parait
indéniable que La piel que habito est
l’un des grands films de cette année 2011 et qu’une fois de plus, Almodovar
nous prouve à nous autres cinéphiles sont incomparable talent.
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