LA
CITÉ INTERDITE
L’empereur
Ping est un homme d’humble origine et à la forte ambition, monté sur le trône à
partir du rang modeste de capitaine. Il a abandonné sa première femme pour
épouser la princesse de Liang, aujourd’hui son impératrice Phœnix. L’empereur
n’aime pas sa seconde femme, met son humeur aigre sur le compte de la maladie
et l’oblige à prendre un traitement qu’il a concocté lui-même toutes les deux
heures depuis dix ans. Elle et le prince héritier Wan, le fils que l’empereur a
eu de sa première femme, ont une liaison depuis trois ans. Wan se sent coupable
de cette liaison et entretient une seconde relation secrète avec Jiang Chan, la
fille du médecin impérial. Il souhaite s’échapper du palais, qu’il n’a jamais
quitté, et voir le monde réel avec Chan. Le prince Jai, le deuxième fils et
l'aîné de l’impératrice, a dirigé l’armée de l’empereur Ping aux frontières du
royaume pendant trois ans. Le palais a préparé une cérémonie d’accueil
grandiose pour le retour du prince à la veille de la fête des chrysanthèmes,
mais l’empereur annule celle-ci au dernier moment pour rencontrer son fils dans
une auberge voisine où Jai a reçu instruction de l’attendre. Là, l’empereur
provoque son fils en duel comme un acte de domination, après quoi il avertit
Jai de ne jamais répéter une erreur passée, non précisée, insistant sur le fait
que tout ce que Jai reçoit provient de la volonté de l’empereur et que toute
tentative d’obtenir quelque chose de l’empereur par la force est vouée à
l’échec.
Je
ne remercierais jamais assez France Ô
de nous avoir proposé, hier soir, pour fêter la nouvelle année chinoise, ce
très beau film qu’est La Cité Interdite,
œuvre du réalisateur chinois Zhang Yimou et déjà responsables de véritables
petits bijoux comme Le secret des
poignards volants, Hero ou Epouses et concubines. Ainsi, et alors
que je m’apprêtais a passer une soirée peu engageante, en zappant sans grande
conviction, et dans l’attente d’une sale nuit où j’aurais bien du mal à trouver
le sommeil suite à mes quintes de toux, j’eu l’agréable surprise de tomber par
hasard – comme l’on dit, celui-ci fait décidément bien les choses – sur ce film
que je ne connaissais pas (franchement, vu sa date de sortie, mon plus jeune
fils était tout petit et j’avais bien d’autres chats à fouetter que de suivre l’actualité
cinématographique) ou que j’avais oublié (ma mémoire et moi) et, en moins de
deux minutes, décision fut prise de m’exiler au salon (et oui, ça n’enchantait
pas madame qui préféra, soupir, L’amour
est dans le pré sur M6) et de m’installer
confortablement devant un bon moment de cinéma.
Bon,
avant toute chose, je dois reconnaitre que cela faisait belle lurette que je ne
voyais pas un film asiatique alors qu’il fut un temps – plus insouciant, moins
de responsabilités, en gros, je n’avais que ça à faire – où je ne me lassais
pas de ceux-ci : ainsi, entre des véritables petits bijoux de Kurosawa
comme Les Sept Samouraïs ou La Forteresse cachée pour les films de
sabres nippons, mais aussi, Battle Royal
ou Ring dans des genres différents
ainsi que, du côté du cinéma chinois, des pépites d’humour et d’action comme Il était une fois en Chine et des
fresques comme Hero ou Tigres et Dragons, pour ne citer que les
plus connus, les premières années du vingt et unième siècle, pour moi, furent
asiatiques ! Par la suite, et les aléas de la vie, j’ai un peu abandonné
le genre et ce, même si celui-ci me plaisait toujours au temps ce qui a fait
que, depuis que Le Journal de Feanor
existe (quatre ans), je n’ai eu l’occasion que d’en voir un seul : Les
Trois Royaumes, superbe fresque semi légendaire, semi historique des
Royaumes combattants, il y a de cela trois ans environ. Ainsi, telle ne fut pas
ma joie de retrouver ainsi un genre aimé, pour ne pas dire adorer, et que j’avais
laissé, selon moi, bien trop longtemps de côté.
Mais
alors, que vaut vraiment cette Cité
Interdite ? Car bon, comment dire, ce n’est pas parce que l’on aime un
genre particulier que l’on doit tout accepter sans emmètre la moindre critique.
Et ben, tout d’abord, reconnaissons-le tout de suite, ce film n’est pas le
meilleur que j’ai eu l’occasion de voir du cinéma chinois, certes, à l’époque
de sa sortie, il en était le plus cher – mais cela n’a jamais été un gage de
qualité. Ensuite, et quelque part, ceux qui connaissent et apprécie le genre
peuvent trouver cela curieux de ma part mais sur ce coup-là, je n’ai pas
franchement aimé les exagérations habituelles des combats. Certes, par-là, je n’émets
pas de critiques sur tous les combats du film, après tout, le dernier, dans son
exagération même – deux armées qui s’affrontent en plein cœur de la Cité
interdite, le massacre qui suit, l’un des personnages principaux qui tient tête
à des centaines d’adversaires à lui tout seul (ah, les bons souvenirs de l’un
des jeux les plus extravagants et jouissif de tous les temps : Dynasty Warriors !) est un modèle
du genre et ravira les amateurs dans mon genre. Par contre, le côté mecs qui
volent sur ce coup, était de trop car ne se justifiait pas vraiment. Pire encore,
le fait que certaines femmes aient des prédispositions au combat et plus
particulièrement la fille du médecin royal : franchement, ce fait a desservi
le film alors que dans d’autres, ça passait assez bien. Mais alors, pourquoi
ses griefs ? La Cité Interdite
est-il une œuvre ratée ?
Et
ben non, pas le moins du monde en fait ! Le problème qui se pose ici, c’est
qu’en fait, nous nous trouvons la devant une œuvre plus profonde, plus
intimiste et plus, comment dire, axé sur la réflexion que ce que l’on a l’habitude
de voir dans le cinéma chinois. Véritable drame que n’aurait pas renié Shakespeare,
La Cité Interdite vaut énormément
pour son coté terriblement oppressant, renforcé par ses décors certes somptueux
et féeriques, mais dans lesquels chaque protagoniste n’est en fait qu’un jouet
dans une prison dorée, soumis aux bons vouloirs d’un souverain, à la fois cruel
et aimant (selon ses gouts), mais aussi au poids encore plus important des
traditions ancestrales qui régissent l’ensemble de la société chinoise et plus
encore la classe dirigeante. Cette oppression, ce sentiment d’étouffement est amplifié
par une bande son qui colle parfaitement bien à l’intrigue et qui écrase
davantage – comme s’ils n’en avaient pas encore assez – les personnages de ce
drame. Car oui, c’est un drame qui se cache derrière cette intrigue de palais,
cette volonté de l’impératrice de formenté un coup d’état, tentative forcement
voué à l’échec mais qui reste sa seule et unique solution, condamnée qu’elle
est selon la volonté de son époux. Mais drame aussi pour son beau-fils, le
Prince héritier, qui souffre d’avoir perdu sa mère, mais aussi de sa liaison
avec sa belle-mère ; drame également pour les autres enfants, l’un
tirailler entre son père et sa mère et qui pourrait tout perdre, l’autre,
véritable cinquième roue du carrosse, nourrissant sa haine secrètement pour l’ensemble
de sa famille. Drame également pour d’autres protagonistes, que je ne
dévoilerai pas davantage afin de ne pas trop en révéler sur l’intrigue et gâcher
l’effet de surprise ; sachons seulement qu’entre jalouseries, haine,
inceste, les pauvres protagonistes de cette histoire, accablés par le destin et
sachant par avance que celui-ci ne leur sera pas profitable, n’en sortiront pas
indemnes, loin de là.
Car
malgré ses somptueux décors, ses costumes flamboyants et ses hauts faits d’armes,
La Cité Interdite est avant tout une œuvre
en vase clôt, une affaire de famille qui ne peut que se finir mal, une œuvre dont
le personnage principal, et de loin, est cette impératrice – formidable et
magnifique Gong Li au sommet de son art – qui écrase de sa prestance tout le
reste. Tant de par son jeu, tout bonnement parfait, alternant entre lucide et
révolte, sensualité et folie, amour et haine, celle-ci remporte haut la main de
personnage le plus intéressant, et ce, malgré un lot assez bien fournie pour
une fois. Mais du coup, lorsque l’on regarde La Cité Interdite, et malgré un combat final, comme je l’ai dit,
qui mérite le coup d’œil, ce que l’on recherche, ce sont les relations entre
personnages, d’une complexité rare, ce que l’on regarde, ce sont ces décors,
tout bonnement grandioses, et surement pas, à coup sûr, ces types costumés qui volent
dans tous les sens de façon grand guignolesque. Sincèrement, ceux-ci n’auraient
pas été présents et ce film ne s’en serait que mieux porté.
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