lundi 11 mai 2009

LE GROOM VERT-DE-GRIS



LE GROOM VERT-DE-GRIS

Nous sommes en 1942. La Belgique est occupée par l'envahisseur nazi qui contrôle le rationnement et prive le pays de ses libertés. Spirou travaille au Moustic Hôtel, mais celui-ci a été réquisitionné par l'armée allemande qui l'oblige à revêtir un costume de groom aux couleurs nazies. À quelques minutes du couvre-feu et alors que le jeune héros rentre chez lui, il tombe nez à nez avec une affiche incitant les jeunes à rejoindre la légion Wallonie, une unité militaire qui combat aux côtés des nazis. C'en est trop pour lui, qui doit déjà les supporter à longueur de journées à l'hôtel. Il sort un feutre et écrit sur l'affiche un « mort aux boches » très éloquent… lorsqu'il est surpris par un militaire. Il se retourne et découvre qu'il s'agit de Fantasio, qui lui fait une blague. Ce dernier lui présente sa nouvelle invention, le fantaérosol qui permet de peindre de manière très précise. Une petite démonstration s'impose et Fantasio écrit à son tour un « mort aux boches » qui recouvre tout le mur… lorsqu’une vraie patrouille arrive dans leur direction ! Or, l'acolyte de Spirou n'arrive plus à arrêter sa machine et les deux héros se font repérer. Le groom prend la machine de son ami et la jette au sol en direction des nazis. L'explosion qui s’ensuit leur permet de s'enfuir. Mais ils n'ont pas le temps d'aller très loin qu'une autre patrouille les contrôle et les embarque. Heureusement, Spirou sort son document prouvant qu'il travaille comme groom au siège de la Geheime Staatspolizei et l'armée les laisse reprendre leur route...


Le Groom vert-de-gris
Scénario : Yann
Dessins : Olivier Schwartz
Couleurs : Laurence Croix
Genre : Aventure, Action, Fantastique, Etrange, Humour
Editeur : Dupuis
Pays d’origine : France
Langue d’origine : français
Parution : 07 mai 2009
Nombre de pages : 64

Mon avis : Il aura fallu attendre d’avoir presque 35 ans pour que, pour la toute première fois de ma vie, je lise un album de Spirou, une œuvre pourtant fort connue et vieille de plusieurs décennies mais qui, jusque-là, ne m’avait jamais intéressé. Cependant, lancée en 2006 par les éditions Dupuis, la série Une aventure de Spirou et Fantasio par... permet à divers auteurs de réaliser un one shot, chacun donnant sa vision particulière du monde de Spirou, ce Groom vert-de-gris étant le cinquième tome de ces aventures modernes de ce personnage on ne peut plus culte sous nos vertes contrées. Une œuvre qui avait fait pas mal parler d’elle avant sa sortie et que j’attendais avec impatience, ne serait-ce que par curiosité. Et, ma foi, mon attente fut à la hauteur de mes espérances puisque cette BD dont l’intrigue se déroule sous l’occupation allemande, est un véritable bijou que tout amateur de bande dessinée se doit de posséder, ou à défaut, de lire au moins une fois dans sa vie. Découvrir un personnage, aussi « naïf » (pas dans le genre péjoratif) que Tintin, plongé en pleine guerre mondiale, mêlé à un réseau de résistance, et etre confronter aux horreurs de son époque, cela fait un bien fou et nous change un peu de nos vieilles habitudes. Le Groom vert de gris est une réussite incontestable, où les personnages principaux, sans perdre leur humour et leurs traits de caractères, vivent une « aventure » bien plus sombre, où le danger et la mort sont bel et bien présents, où les considérations politiques ne sont pas occultées, de même que le sexe (et oui, ce sont des hommes, inutile de sombrer dans une parodie X comme Le mariage de Tintin pour s’en rendre compte). Un univers plus sombre, donc, que l’habituel, où certes Spirou est résistant et Fantasio cache des pilotes alliés chez lui, mais où chacun croit que l’autre n’est plus qu’un vulgaire collabo. Une collaboration non occultée d’ailleurs, comme le marché noir (avec un clin d’œil amusant à La traversée de Paris) et la déportation. Et si les nazis sont, bien évidemment, la cible des auteurs, comme leurs sympathisants, tout n’est pas rose au royaume paisible de Belgique et la tonte des femmes coupables d’avoir couché avec l’ennemi ou le mépris des habitants pour le sort des juifs est mis en avant, laissant un certain malaise planer, remettant en cause une certaine légende dorée de l’époque, valable pour la Belgique mais également pour la France. Et, tandis que le lecteur dévorera avidement cette BD bien plus adulte que l’on pourrait le croire, les amateurs s’amuseront à chercher les milles et une références et divers hommages des auteurs à Tintin (quel plaisir de revoir le terrible Docteur Muller), en majorité, et à d’autres héros de l’époque ou à des films bien connus. D’ailleurs, ceux-ci sont tellement nombreux qu’ils justifient à eux seuls une relecture attentive afin de ne passer à coter d’aucun d’eux. Et, personnellement, ces hommages n’ont fait que renforcer l’opinion plus que positive que j’ai de ce Groom vert de gris. Un véritable bijou que je vous disais. Si, comme vous pouvez le constater, j’ai apprécié au plus haut point cette aventure « moderne » de Spirou, il est incontestable qu’une telle œuvre remet en cause l’idée comme quoi l’on ne devrait pas toucher certaines icônes sacrées suite au décès de leurs auteurs. Certes, pour cela, il faut que la qualité soit au rendez-vous, ce qui est le cas ici, mais ce qui est loin d’être assuré en d’autres occasions, malheureusement. Mais, l’on voit bien qu’avec des auteurs inspirés et respectueux, l’on peut avoir de très bonnes surprises et que bon nombre d’autres séries (qui a dit Tintin ?), mériteraient peut être un petit dépoussiérage. Le Groom vert de gris nous prouve que cela ne serait pas forcement une hérésie.


Points Positifs :
- Une version moderne des aventures de Spirou et Fantasio qui place nos héros dans une période sombre de notre Histoire, la Seconde Guerre Mondiale, et ici, plus précisément, l’occupation de la Belgique par les troupes allemandes. On sent l’important travail des auteurs qui maitrisent parfaitement leur sujet, y compris, bien entendu, historique.
- De très nombreuses références à d’autres œuvres contemporaines comme Tintin, bien entendu, mais aussi, Blake et Mortimer, et même un fort sympathique clin d’œil à La traversée de Paris.
- Excellents dessins d’Olivier Schwartz qui s’inspire fortement des albums d’après-guerre, ce qui apporte une petite touche datée du plus bel effet.
- Des personnages plus adultes, plus fouillés ; bien entendu, le synopsis y est pour beaucoup mais cela fait plaisir de sortir un peu des sentiers battus.
- Un humour néanmoins présent.
- Mine de rien, l’intrigue est pas mal et il ne faudrait pas l’oublier…
- Œuvre moins manichéenne qu’il n’y parait de prime abord : les nazis sont bien entendus les grands méchants de l’histoire mais certains comportements contestables de la résistance belge ne sont pas occultés (tonte des femmes) quant au sort des juifs, on montre bien à quel point la population s’en moquait comme de sa première chemise.

Points Négatifs :
- Les deux premiers tiers de l’histoire sont quasiment parfaits, par contre, une fois arrivé à ce point de l’intrigue, la fin est un peu plus poussive ; dommage, on n’était pas loin de la perfection.
- Hum, il faudrait etre un expert en bande dessinée franco-belge pour reconnaitre et apprécier à sa juste valeur toutes les références qui jalonnent l’album, et elles sont nombreuses, très nombreuses même !
- Euh, Spirou est un résistant, il est arrêté par les allemands et il n’est pas fusillé sur place ? Pas très crédible ce passage…

Ma note : 8/10

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