lundi 10 juin 2013

ÇA


ÇA

La terreur s'incarna pour la première fois dans un bateau en papier journal dévalant un caniveau gonflé d'eau de pluie. Un petit garçon courait gaiement à côté. Il s'appelait George et avait six ans... Pris dans un tourbillon, l'esquif disparut dans une bouche d'égout. L'enfant mit un genou à terre, se pencha... Des yeux jaunes le regardaient, des yeux comme ceux qu'il avait imaginés le guettant dans la cave... « Salut, Georgie ! » fit une voix... Un clown se dressait dans l'égout. Sa main noueuse comme une patte de rapace tenait un lot de ballons colorés... George tendit le bras... Dans la rue, les gens ne virent qu'un gamin en ciré jaune qui hurlait et se tordait dans le caniveau... Œil de salamandre, Queue de dragon, Main de gloire, quoi que ce fût, c'était là de nouveau... Ça ! L'ordure aux cent têtes...

Il y a de cela vingt ans environ, c’était le début des années 90 et la fin de mon adolescence, et après avoir découvert Tolkien et son Seigneur des Anneaux peu de temps auparavant, un autre auteur pris une place importante dans ma vie d’alors, Stephen King. Aujourd’hui, deux décennies plus tard, je me souviens encore parfaitement du choc que je ressentis alors en me plongeant dans quelques-unes de ses œuvres parmi les plus emblématiques : ainsi, entre mon premier ouvrage du maitre de l’Horreur, Simetière, puis Carry, Charlie, Jessie et, bien évidemment, ce formidable chef d’œuvre que fut Ça, cette sombre histoire d’un clown qui, dans une petite ville perdue du nord est des Etats Unis, se réveillait tous les 27 ans afin de dévorer des enfants, le début des années 90 fut indéniablement marqué par le sceau de Stephen King. Pourtant, il aura suffi que, une fois mon service militaire achevé, je découvre le Maitre de Providence, je veux bien évidement parler de HP Lovecraft pour que ne palisse l’étoile de Stephen King, aussi vite survenue dans ma vie, aussi vite partie, au point même que, au bout de quelques années, j’étais de plus en plus désobligeant à son sujet. Alors certes, je n’oubliais pas mes amours passés pour lui, de même, je reconnaissais, ne serais-ce que par le biais de bon nombre d’adaptations cinématographiques de ses œuvres, qu’il en avait écrit bon nombre, et de fort bonnes ; cependant, quand je faisais les comparaisons entre King et Lovecraft, quand je me disais qu’en quelques dizaines de pages, ce dernier allait bien plus loin dans l’indicible que le premier dans un roman de six cent pages, et bien, l’affaire semblait entendue… Pourtant, et malgré toutes ces années écoulées, une œuvre de Stephen King gardait pour moi une place particulière, Ça.

Il faut dire pour etre tout à fait franc que non seulement, Ça a toujours été mon roman préféré de Stephen King mais qu’en plus, il est indéniablement dans mon top ten, tous genres confondus : un truc tout bonnement énorme, véritable compilation de tous les genres horrifiques, diablement fort bien écris et captivant au possible, qui nous propose carrément l’un des « méchants » les plus charismatiques et inquiétants qu’il m’ai été donné de voir dans un livre, le fameux clown Grippe-Sou, en fait, une entité fort semblable à celles du mythe de Cthulhu, arrivé sur Terre il y a des millions d’années et venu des profondeurs de cet espace lointain qui faisait tant peur a Lovecraft. Mais Ça, c’est bien plus qu’un simple roman d’horreur comme il en existe tant : comme je vous l’ai dit, tout d’abord, c’est une excellente compilation du genre, mais au-delà de ceci et des multiples avatars de Ça – clown, lépreux, loup-garou, momie, araignée, créature des marais, vampire etc. – l’autre principale source d’intérêt de ce roman, c’est la prédominance du passage à l’âge adulte. Ainsi, la structure de ce très long roman de plus de mille pages, alterne entre deux périodes de temps, 1958 et 1985, et les héros, âgés d’une dizaine d’années lors de leurs première rencontre avec le clown meurtrier, et donc, capables de tout car, enfants, pour eux, la magie est du domaine du possible, ne sont plus loin de la quarantaine lorsqu’ils doivent revenir a Derry afin d’en finir une bonne fois pour toutes avec Ça ; et là, les choses se compliquent diablement, malgré ce que l’on pourrait penser de prime abord. Et justement, c’est là tout l’intérêt de cet ouvrage et le coup de génie de Stephen King qui, alternant entre deux époques d’un chapitre à l’autre mais aussi de points de vu selon les protagonistes mis en avant, réussi le tour de force de nous offrir une œuvre à la fois monumentale et hautement captivante, une œuvre qui, bien évidemment, et comme il est de coutume avec King, va très loin dans l’horreur pure et dure (les descriptions sont terribles et souvenez-vous, ce sont des enfants qui y passent) tant physique que psychologique (dès le premier chapitre, le summum est quasiment atteint avec l’assassinat du petit frère du personnage principal, un truc qui me marqua fortement lors de ma première lecture, ayant moi-même un frère plus jeune), mais qui, du coup, sait s’attarder sur les nombreux protagonistes, leurs craintes, leurs peurs, leurs espoirs, et qui, bien entendu, joue fort habilement de la différence entre l’enfance et l’âge adulte, un âge auquel on ne croit plus à rien, où l’impossible n’est plus possible, où la magie n’existe plus, forcément, mais aussi, où l’on se retrouve impuissant pour battre une entité comme Ça.


Relire une œuvre aussi magistrale que Ça, après tant d’années, fut l’une des meilleures idées que j’ai eu depuis longtemps, et je n’exagère pas le moins du monde en vous disant cela. Je l’avais presque oublié mais c’est fou ce que ce roman est tout bonnement grandiose pour les raisons dont je vous ai parlé précédemment. Bien évidemment, je connaissais déjà la trame de l’histoire et ne fut pas vraiment surpris par cette relecture, par contre, étant plus âgé et possédant un bagage plus important de par mes diverses lectures, j’ai pu apprécier davantage Ça par le biais de petits détails, de petites inspirations de Lovecraft mais aussi, tout simplement, par le simple fait que j’ai moi-même, désormais, l’âge des membres du club des ratés lorsqu’ils reviennent a Derry, et que, pour moi aussi, l’enfance est désormais très loin… Justement, petit détail supplémentaire qui faisait que je ne pouvais qu’apprécier cette œuvre : ayant moi-même fait partie, du temps de mon enfance et de l’adolescence, d’une espèce de club des ratés, comment ne pas me revoir dans ces sept enfants ? Quoi qu’il en soit, et même vingt ans plus tard, Ça est toujours aussi exceptionnel, sur cela, je n’ai pas changé d’avis une seule seconde, et puis, c’est tout de même le roman qui confirme tout ce que j’ai toujours pensé sur les clowns… Enfin bon, du coup, m’étant réconcilier avec le maitre, je vais me faire toute une série de bouquins de Stephen King, histoire de rester dans l’ambiance, avec, en point d’orgue, pour débuter, Le Fléau, puis La Tour Sombre… bref, je pense que je n’en ai pas finis de sitôt avec King dans ce blog… 

2 commentaires:

Tigger Lilly a dit…

Tout pareil. Il est vraiment génial ce King.

Feanor a dit…

Mon préféré de lui, tout simplement...
Viens de commencer Le Fléau et ça a l'air pas mal aussi.