lundi 20 décembre 2010

LA JOURNÉE DE LA JUPE


LA JOURNÉE DE LA JUPE

Sonia Bergerac est professeur de français dans un collège de banlieue difficile. Elle vit difficilement la dureté quotidienne des relations avec ses élèves, et est d'autant plus fragilisée par le départ de son mari. Lors d'une répétition de théâtre avec une de ses classes, elle découvre un pistolet dans un sac d'élève. En cherchant à s'en emparer, un coup part et blesse un élève à la jambe. Dans la confusion du moment, elle craque et prend sa classe en otage. Alors qu'à l'extérieur, les autorités scolaires, policières et politiques peinent à comprendre et à réagir à la situation, Sonia impose à ses élèves sa vision et leurs contradictions.

En toute franchise, je dois reconnaître que cela faisait belle lurette que je souhaitais le voir cette fameuse Journée de la jupe qui fit tant couler d’encre lors de sa sortie en mars 2009. Car, que l’on veuille ou non, que l’on aime ou pas ce film, que l’on soit d’accord ou non avec son contenu, il est indéniable que celui-ci connu l’une des campagnes de presses les plus dénigrantes qu’il m’ait été donné de voir ces dernières années. Car il faut savoir remettre un peu les choses dans le contexte de l’époque : en 2008 était primé à Cannes, le festival des paillettes, un autre long métrage dont le sujet était les difficultés d’enseigner dans les quartiers difficiles dans la France d’aujourd’hui ; reconnu par la critique, porté aux nus, ce film, Entre les murs, plu au paysage médiatique français, et, accessoirement, à Sean Penn, président alors du jury du Festival de Cannes alors en conflit avec le système éducatif de son propre pays, les Etats-Unis. Je dois reconnaître que je n’ai pas vu ce film, mais j’en connais, par ma femme, enseignante (je tiens à le préciser car cela a son importance), et par la presse le contenu général : oui, ce n’est pas facile d’être un prof aujourd’hui mais bon, il faut savoir se battre pour ses élèves etc. etc. etc. Bref, un film que l’on nous a présenté comme étant « coup de poing » sur la réalité d’aujourd’hui mais au final, assez politiquement correct par sa forme. Cela me dérange un peu de critiquer une œuvre que je n’ai pas vu, et d’ailleurs, il faudra probablement qu’un jour, je fasse l’effort de voir ce fameux Entre les murs. Et ce, même si j’ai un énorme problème, mais alors un gigantesque pour ne pas dire un himalayesque soucis avec François Bégaudeau, prof de français de son état a la base qui écrivit un livre qui donna le fameux film dans lequel il joua son propre rôle et qui depuis squatte les plateaux télé, surtout sur Canal + en donnant son avis sur tout et n’importe quoi. Mais bon, Bégaudeau c’est une chose et je jugerais mieux Entre les murs le jour où je le verrais, cependant, il me semblait nécessaire d’en parler, vu que ce film est indissociable de ce que j’appellerais le problème La journée de la jupe.

En 2009, donc, sortit quasiment anonymement, un autre film sur le même sujet, cette fameuse Journée de la jupe, d’abord diffusé sur Arte, puis, dans quelques rares salles de cinéma. Et immédiatement, nous avons eu droit à tout le contraire, d’un point de vu médiatique, que lors de la sortie d’Entre les murs : en effet, si quelques rares critiques louèrent la qualité du film, de son contenu, de son message, les autres, bien plus nombreux pour la plupart, le descendirent en flèche, critiquant honteusement a tout va, le trainant dans la boue, avec, en tête de fille, mes très chers amis de Libération qui en firent une affaire personnelle, les Inrocks, comme par hasard, et… L’Humanité (sic), ce qui ne m’étonnas pas le moins du monde. Quand a Canal + et ses chroniqueurs donneurs de leçons de morale qui ont un avis sur tout, si je les épargne sur ce coup là, c’est parce que je ne me souviens plus trop de leurs propos, mais bon, ne croyez pas que ceux-ci furent enthousiastes… Et donc, sortis à quelques mois d’intervalles, le cinéma français avait eu droit à deux films, Entre les murs et La journée de la jupe, dont l’un fut porté aux nues par l’intelligentsia parisienne et l’autre, brulé sur le buché de l’antipolitiquement correct. Etrange ? En fait, pas le moins du monde.

En fait, tout est une affaire de point de vue : l’on peut se voiler la face, se dire que tout vas pour le mieux dans le meilleur des mondes, trouver toutes les excuses du monde a tout et n’importe quoi, s’autoflagélé en permanence en chantant l’éternelle petite rengaine « mais ce sont des victimes de la société », accepter, au nom de je ne sais quelle incarnation divine, création humaine par ailleurs, toutes les traditions, les lois mêmes les plus absurdes (je n’en vise aucune en particulier, mais toutes, a mettre dans le même sac), fermer les yeux sur ce qui se passe dans les banlieues, sur cette société où l’on protège les criminels et où l’on fustige les victimes, bref, faire de l’angélisme de gauche (et je dis cela car je suis de gauche), encore et encore, et aggraver davantage la situation. Ou alors, l’on peut aller a contre courant, pointer du doigt là où ca fait mal, oser dire la vérité, même si elle blesse, même si cela reviendrait à dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas, l’on peut en finir une bonne fois pour toutes avec ces non dits, ce laissé aller qui ont fait que la situation actuelle est quasiment, je dis bien quasiment, insupportable. Ce n’est pas du pessimisme, c’est encore moins du racisme, même si en lisant mes propos, les bobos vont hurler au loup, non, c’est tout juste montrer la réalité, dire que oui, tout va mal, et que ce n’est surement pas en glorifiant un système qui a donné de si piètres résultats que l’on s’en sortira, si encore, on s’en sorte un jour. Oui, tout cela n’est qu’une affaire de point de vue ; du social, il en faut, de la répression, n’en déplaise à la gauche extrême, bah il en faut également. Et voilà donc pourquoi l’un de ces films, Entre les murs, fut porté aux nues, et l’autre, La journée de la jupe, critiquer jusqu'à n’en plus soif. Angélisme d’un coté, politiquement correct, ca passe, alors que quand on montre la réalité, brute, implacable, bref, quand on va a contre courant, l’intelligentsia veille au grain.

Car indéniablement, La journée de la jupe frappe fort, ne cache rien, et nous montre, oui messieurs dames, que cela vous plaise ou non, la France d’aujourd’hui : un pays sans respect, où règne la loi du plus fort, de l’argent, des paillettes, où la femme est de moins en moins considérer, où les parents, qui ont un avis sur tout, ont abandonner leur rôle, l’éducatif, pour l’école, au moment où celle-ci, de toute façon, ne peut plus rien : ah, il était beau d’interdire d’interdire, mais tout en étant contre les châtiments corporels, vous trouvez normal qu’il n’y ait plus de respect dans les établissements scolaires ? Vous trouvez normal que les professeurs et les instits de primaire se fassent copieusement insulter (et je sais de quoi je parle, souvenez vous) ? Vous trouvez normal qu’ils aillent travailler la peur au ventre, qu’ils n’aient plus le droit de punir, que tout de suite ils aient à faire aux parents, aux grand frères, au type qui passait par la et qui leur mettent une pression impossible, parfois des la maternelle (véridique), ces mêmes individus qui eux, ne remplissent même pas leur rôle éducatif ? Vous trouvez cela normal ? Alors oui, La journée de la jupe ne vous plaira pas. Vous trouverez cela exagérer, surjouer, impossible, et pourtant… et pourtant… non, c’est cela les établissements en ZEP. Vous croyez quoi mes amis bobos, que c’est une garderie, que ce sont juste des gamins un peu chahuteurs ? Allons bon, ca, c’était de mon temps, dans les années 80, où, quand on rigolait un peu trop, on était considérer comme étant une classe difficile. Mais jamais, oh grand jamais on n’aurait osé s’en prendre a un professeur ! Et les punitions, vous croyez peut être que mes parents auraient été râlé celui qui me l’aurait donné ? Allons bon, j’étais, comme les autres, bien mal barré ! Non, on était des rigolos à l’époque. Et cela fait longtemps que les élèves sont passés a la vitesse supérieure. Très supérieur…

Alors oui, la violence de La journée de la jupe ne m’étonnes guère, celle des élèves, elle n’est que tristement banale, il suffit de se balader d’en la rue, de prendre les transports, où d’être ou de connaître quelqu’un du milieu enseignant. Quant au prof qui pete un câble et qui prend sa classe en otage, ce qui m’étonnes, c’est qu’il n’y ait pas déjà eu des dérapages dans le genre. Car vous croyez que cela n’arrivera pas un jour ? Qu’un homme ou une femme, a force d’insultes, d’irrespect, de menaces, ne disjoncte complètement et ne fasse un carton dans sa classe ? Heureusement que nous ne sommes pas aux Etats-Unis et que le port d’armes ne soit pas autoriser a tout le monde car sinon… Alors oui, La journée de la jupe dérange, mais c’est parce que ce film touche là où sa fait mal, qu’il nous montre la réalité telle qu’elle est, sans travestissement, sans faux fuyants, que presque chaque scène, chaque réplique est juste : ce proviseur qui avoue que s’il parle des problèmes, il sera mal vu et s’il ne dit rien, cela sera pareil ; cette ministre de l’intérieur qui explose en disant que les femmes se sont battus pendant des siècles pour avoir le droit de porter un pantalon et qui ne veut pas entendre parler d’une journée de la jupe et qui me fait penser a ces féministes américaines qui voient en chaque homme un violeur, qui vont imposer tout et n’importe quoi dans les universités, dans les entreprises et qui ne pensent qu’au mot « harcèlement » mais qui se moquent littéralement des vrais problèmes des femmes des ghettos, victimes elles, de la violence masculine ; ce prof d’espagnol, qui se fait tabasser par des jeunes mais qui ne voit là qu’un échange de points de vue différents ; ces mères de familles, dépassées certes, mais qui ne voient rien, ou qui ne veulent rien voir ; ce commerçant, asiatique, qui vient nous montrer que le racisme n’est pas le lot des « blancs », eternel raccourcis si facile ; ces filles, victimes de tournantes, considérées comme des putes, et forcement, bah oui, consentantes. Des exemples comme cela, La journée de la jupe en fourmille et cela serait trop long de tous les énumérés. Mais c’est à cause d’eux, justement, que ce film est si mal passé aux yeux de certains.

Indéniablement, et malgré sa quasi censure qui me fit penser au sort d’un autre film, Katyn (oh, celui là, il eut du mal avec tous les vieux fans du Petit Père des peuples), La journée de la jupe est un film qui mérite d’être vu ; de part son propos, véritablement coup de poing, lui, la vérité qui y est montrée, sans fard ni faux fuyants, mais aussi pour ses acteurs, du plus connu, Isabelle Adjani aux plus obscurs, les élèves, tous sont parfaits. Alors oui, il n’est pas politiquement correct, oui, il dérange, mais franchement, cela fait un bien fou de voir un film courageux qui sort, pour une fois, des sentiers battus.

7 commentaires:

Anonyme a dit…

O, comme vous avez raison.
JP Lilienfeld (comment ça je suis de parti pris?)

Deborah a dit…

Est ce bien vous le réalisateur? Si c'est le cas, félicitations pour votre film qui (point de vue d'une enseignate du 93) soulève toutes les questions essentielles de la société actuelle sans complaisance.

JPLilienfeld a dit…

C'est bien moi. Je vous remercie. Je suis tombé sur ce billet un peu par hasard et me suis amusé à laisser ce commentaire immodeste.

Deborah a dit…

Commentaire immodeste mais justifié, nous sommes nombreux à partager ce point de vue! Votre film gagnerait à être davantage vu, notamment dans les hautes sphères de l'éducation nationale!
Joyeuses fêtes à vous!

JPLilienfeld a dit…

Bonnes fêtes à vous aussi.
Le film a eu un parcours bizarre mais il a été vu par plus de 2,5 millions de personnes en France et vendu dans 15 pays.
Il a récolté 25 prix dans le monde entier.
Je reçois des messages de profs qui l'ont mis à leur programme cette année entre deux livres.

Quelques académies l'ont mis à l'affiche de leurs Mercredi-Cinéma.

Darcos avait préféré l'ignorer à l'époque mais aujourd'hui c'est Darcos qui est ignoré.
Cependant, un film n'a aucun autre pouvoir que d'ouvrir le débat.
Il ne remplacera jamais la volonté politique.
Le jour ou les enfants de politiques (quelque soient leurs partis) iront ailleurs que dans le bon lycées ou les établissements privés... les choses bougeront.
Donc c'est pas demain... :-(

Deborah a dit…

C'est une très bonne chose que des profs l'aient mis au programme, personnellement mes élèves sont trop petits malheureusement (école élémentaire) mais pour avoir déjà vécu des situations difficiles avec des grands élèves de l'élémentaire (pré ados avant collège), je n'ai pu que comprendre la réaction de cette prof malmenée quotidiennement. Selon moi votre film comporte à la fois un message pédagogique et aussi féministe, quand elle veut faire sa journée de la jupe et que la ministre lui rétorque que les femmes ont combattu pour avoir le droit de porter le pantalon: la véritable liberté c'est d'avoir le choix de porter jupe ou pantalon. Il y a aussi le problème soulevé de l'inertie de la hiérarchie, que l'actualité ne manque pas de nous rappeler, mieux vaut éviter de faire des vagues... Mais je ne vais pas vous apprendre ce que dit votre film! Tout cela pour dire que le but d'une oeuvre cinématographiques est , comme vous le dîtes, de soulever le débat, le but est ici parfaitement atteint car personne ne peut rester indifférent face aux problèmes soulevés.
Mais les enfants de politiques n'iront effectivement jamais dans ces établissements, c'est comme dans le film de Michael Moore où il allait demander à des sénateurs américains s'ils étaient ok pour que leurs fils aillent combattre en Irak, et qu'aucun sénateur ne répondait...
Bonnes fêtes à vous et longue vie à votre film!

Feanor a dit…

J'avoue avoir été un peu dubitatif en lisant le premier message, ne sachant pas trop s'il était vraiment de vous ou d'un plaisantin. Visiblement, mon interrogation est réglée est je suis heureux que vous ayez lu cette critique.
Je ne suis pas un spécialiste, j'ai parfois du mal à retranscrire ce que je pense d'un film, d'un roman etc., cependant, j’espère que celle-ci vous aura plu, même si je pense que si ma femme, bien plus douée que moi, le faisait, la qualité serait autre.
Quoi qu’il en soit, je tenais à vous remercier pour votre film, tout bonnement excellent et dont je pense le plus grand bien (mais bon, je pense que vous l’avez deviné), mais aussi pour vos messages.
En vous souhaitant de bonnes fêtes de fin d’année.

Feanor
Un passionné amateur.