DRACULA
Transylvanie,
1462. Le comte Vlad Dracula, chevalier roumain, part en guerre contre les Turcs
en laissant derrière lui sa femme Elizabeta. Cette dernière met fin à ses jours
lorsqu'elle apprend la fausse nouvelle de la mort de son bien-aimé. Fou de
douleur, Vlad Dracul renie l'Église et déclare vouloir venger la mort de sa
princesse damnée à l'aide des pouvoirs obscurs, devenant ainsi un vampire sous
le nom de Dracula. Quatre siècles plus tard, en 1897, Jonathan Harker, un jeune
clerc de notaire est envoyé en Transylvanie afin de conclure la vente de
l'Abbaye de Carfax à un mystérieux comte qui n'est autre que Dracula. Au moment
de la signature finale de la vente, Dracula découvre que Mina, la fiancée de
Harker est semblable en tous points à sa défunte épouse Elizabeta. Dracula
décide d'aller la retrouver à Londres et se fait transporter sur le Demeter
dans des caisses remplies de sa terre natale. Harker, quant à lui, est
prisonnier des femmes vampires qui le vident de son sang, le rendant ainsi
inapte à s'échapper du château.
Dracula
Réalisation : Francis
Ford Coppola
Scénario : James
V. Hart, d'après Dracula de Bram
Stoker
Musique : Wojciech
Kilar
Production : Columbia
Pictures, American Zoetrope, Osiris Films
Genre : Fantastique,
Horreur, Drame, Romance
Titre
en vo : Bram Stoker's Dracula
Pays
d'origine : États-Unis
Langue
d'origine : anglais, roumain, grec, bulgare, latin
Date
de sortie : 13 novembre 1992
Durée : 127
mn
Casting :
Gary
Oldman : le comte Vlad Dracul /
Dracula
Winona
Ryder : Mina Murray / Elisabeta
Keanu
Reeves : Jonathan Harker
Anthony
Hopkins : Abraham Van Helsing
Richard
E. Grant : Dr. Jack
Seward
Sadie
Frost : Lucy Westenra
Cary
Elwes : Lord Arthur Holmwood
Billy
Campbell : Quincey P.
Morris
Tom
Waits : R.M. Renfield
Jay
Robinson : M. Hawkins
Monica
Bellucci : concubine de
Dracula
Michaela
Bercu : concubine de
Dracula
Florina
Kendrick : concubine de
Dracula
Mon
avis : Soucieux d’empiler les sous, Universal se
lança pendant les années 90, dans des remakes des grands mythes qui ont fait la
gloire du cinéma de la Hammer dans le passé : Frankenstein, Le
Loup-Garou, L’Homme Invisible, La Momie… et, pour
commencer, Dracula dont la réalisation est orchestrée par le grand
Coppola. Se voulant nettement plus fidèle au roman de Stoker
que les autres films dédiés au comte, Bram Stoker’s Dracula frappe
fort avec une publicité et un merchandising limite excessifs, clamant haut et
fort son statut de chef-d’œuvre. Ce côté chef-d’œuvre préfabriqué, qui,
accessoirement, n’est pas une première dans le cinéma venant d’outre atlantique
et qui se poursuit encore de nos jours, a de quoi gêner, surtout à l’époque où
je me souviens très bien que le public se scinda en deux de manière assez
distincte : ceux qui descendirent l’œuvre de Coppola, la considérant comme un
fourre-tout sans saveur et lourdingue, puis d’autres la considérant comme une
œuvre flamboyante et sensationnelle. La réalisation de Coppola est, il faut
dire, aussi impressionnante que tentaculaire, virevoltant dans tous les sens
avec tous les éléments faisant directement la renommée d’un classique
hollywoodien : effets spéciaux époustouflants, musique baroque et exacerbée,
casting abondamment fourni, scènes d’anthologie, poésie, hémoglobine, érotisme…
Un cocktail qui pourrait se montrer comme un peu trop parfait, mais qui n’est
pas exempt de défauts. D’ailleurs, étant un grand amateur de l’œuvre, que j’ai
dut voir deux ou trois fois au cinéma, avant de poursuivre sur DVD, je citerais
les défauts les plus cités : Keanu Reeves, surtout, et Anthony Hopkins.
Pourquoi ? Le premier, fidèle à lui-même, est tout simplement inexistant et
essaye de nous faire croire qu’il est le héros de l’histoire avant de décrocher
complètement, l’autre cabotine beaucoup trop pour un rôle se voulant efficace
et sobre. C’est dit, c’est fait et maintenant passons à toute autre chose… Absente
dans tous les films mettant en scène le suceur de sang, la vision du conquérant
qu’il fut avant que Stoker ne reprenne le personnage est enfin exploité dans
une intro flamboyante, où le sang et les larmes se rejoignent dans un trip
baroque et gore, très proche de Excalibur.
Dans un ciel rouge, Vlad empale les ennemis à la chaîne, avant de voir sa vie
s’écrouler après la mort de son épouse, qui, le croyant mort aux mains des
turcs, s’est suicidée. Entre tragédie et peinture historique (excellent effet
que sont ces ombres chinoises), l’intro frappe fort par ses images tonitruantes
et blasphématoires (la croix qui saigne sous le coup d’une épée, l’ange
pleurant du sang, le suicide d’Elizabeta…) et nous envoie l’un des plus beaux
plans du film, montrant Vlad rejoindre son château sur une route d’empalés. Pas
d’images numériques, les mate painting et les trompe-l’œil sont rois, et
donnent un cachet supérieur à la dite séquence, inoubliable. Début du siècle,
Londres, Mina Harker voit son fiancé partir pour la Transylvanie où il doit
établir un contrat avec le comte Dracula. Chemin tortueux, cocher griffu, loups
affamés, brouillard, gitans apeurés, château gothique : bref on redécouvre avec
un plaisir certain tout ce qui a fait la force de l’univers du célèbre vampire,
ici sous la forme d’un vieillard blanc comme un linceul, aux manières
distinguées et inquiétantes. Gary Oldman, ici grimé, est méconnaissable, mais
on sera ravi de son jeu d’acteur reprenant le coté blafard et imprévisible
d’un Nosferatu Fantôme de la Nuit, avec la grâce et l’accent
roumain du Dracula de Browning. Dans la première partie du film,
Coppola hésite à choisir un héros : le comte, Mina, ou Jonathan ? Les trois à
la fois en quelque sorte, ce qui n’est pas chose aisée. Quoi qu’il en soit,
exploitant divinement bien la personnalité du comte, Coppola fait subir à
Oldman de nombreuses transformations sidérantes, brillamment mises en images :
vieillard, jeune aristocrate, loup-garou, rats, brouillard verdâtre et goule.
Oldman est très à l’aise dans son rôle, incarnant un Dracula parfois sadique et
cruel, parfois tourmenté et amoureux, voire romantique et effrayant. A déguster
cependant en version originale, cela va de soi, pour goûter à toute l’essence
de sa voix envoûtante et ténébreuse. Sans nul doute, pour ce qui est du
personnage de Dracula, le sieur Oldman est tout bonnement parfait, nous livrant
là une prestation magistrale et à laquelle, personnellement, je ne m’attendais
guère. Pour ce qui est des autres acteurs, Winona Ryder et Sadie Frost occupent
le casting féminin de manière très convaincante, illuminant le film de leur
beauté radieuse, parfois sombre et déchaînée. Mention spéciale à la trop rare
Sadie Frost, sensuelle en diable. On passera le cas Reeves/Hopkins (voir plus
haut) critiquable au possible, ainsi que les autres protagonistes masculins,
décidément peu en verve dans cette adaptation – en dehors d’un certain Tom
Waits, finalement assez bon dans un rôle totalement déjanté – pour signaler
l’un des premiers rôles de Monica Bellucci en femelle diabolique. Accompagnée
d’ailleurs des deux autres femmes de Dracula, elle ne passe que fugitivement à
l’écran mais son apparition aura marqué les esprits pour ce qui restera comme
une scène d’anthologie pour tout adolescent boutonneux qui se respecte :
le célèbre viol où ce benêt de Jonathan tombe entre les mains expertes des
trois créatures, ce qui ne semble pas le ravir – décidément, non seulement
Keanu Reeves est mauvais dans ce film mais en plus, il est limite idiot !
Autre scène marquante, celle où Coppola fait exploser sa narration le temps
d’une longue séquence assez phénoménale où le comte arrive enfin dans la ville
de Londres pendant une lourde tempête. Alors que la musique prodigieuse de
Kilar se déchaîne en quelques instants, la caméra accélère ses mouvements, tourne,
s’égare, filme la folie (baiser saphique, piquouze pas très catholique, geyser
de sang…) jusqu’à déboucher vers une image là encore assez courte mais quasi
impensable pour un film se voulant hollywoodien : le viol sauvage de Lucie par
un lycanthrope soudain devenu libidineux, s’enfuyant après avoir déposé une
délicate morsure sur le cou de sa victime. Forcément, on arrive avec cette
scène, entre autres, à l’un des nœuds du problème aux yeux de certains :
en effet, le sieur Coppola injecte dans son adaptation un romantisme forcené
qui n’a décidément pas plu à tout le monde, mais étrangement inédit dans
l’univers filmique du comte et donc forcément intéressant. Une histoire
d’amour, plus que de sexe d’ailleurs, malgré l’érotisme présent de l’œuvre, se
tissant rapidement autour de Mina et de Vlad, à travers deux magnifiques scènes
: les caresses échangées sur un beau loup blanc, et la découverte de
l’absinthe. Pour la petite histoire, beaucoup ont vu en Dracula une
métaphore sur le sida, qui devient ainsi le vampirisme. La scène d’amour entre
Mina et Dracula est assez parlante, puisque le sang peut être rallié au sperme
et la succion de la plaie à une fellation. Lucie est également visée comme une
condamnée, dont les prises de sang et le mal sont facilement assimilables au sida.
L’action explosera quant à elle lors du final expéditif, mais qui a le mérite
de se terminer sur une séquence émouvante et sanglante, où tout se termine là
où tout a commencé. Cependant, pourquoi Coppola a-t-il placé la belle chanson
d’Annie Lennox Love song for a Vampire au fin fond du générique et
non après la séquence en question ? Bizarre… et un peu déstabilisant. En
forçant le trait sur la notion « opéra baroque et sanglant »,
Coppola offre des scènes épatantes comme la mort grand guignolesque de Mina et
son réveil dans la crypte, ainsi que des idées fabuleuses – la rencontre entre
Dracula et le cinéma dans l’une des meilleures scènes, selon moi, du film, où
le Comte déambule dans les rues d’un Londres au fait du modernisme de l’époque
!. Souvent garni de détails savoureux (les ombres à travers la vitre lors de la
discussion Mina/Dracula, les empalés encore présents dans la cour de Dracula…),
le film joue avec des raccords surréalistes souvent originaux et assez réussis,
pour peu que l’on ait le cœur bien accroché, j’entends bien, et un nouveau
regard sur un mythe à l’époque totalement épuisé, reprenant à nouveau vie.
Si Dracula n’est pas une œuvre certifiée parfaite à 100%, j’en
conviens, elle reste tout de même le fruit d’un travail conséquent et une
vision quasi-unique du grand suceur de sang qu’est Dracula. Et cela suffit,
malgré quelques défauts notables dans le casting et un certain coté « fourretout » que
je ne peux nier pour en faire un véritable chef-d’œuvre du genre, en tout cas à
mes yeux.
Points
Positifs :
-
Sans nul doute la meilleure adaptation du cultissime Dracula de Bram Stocker, en tous cas, la plus fidèle. Flamboyant, d’une
inventivité rare, bourré de bonnes idées, Coppola s’est surpasser sur ce film
est nous a tout simplement pondu une œuvre magnifique et intemporelle.
-
Si l’histoire d’amour entre Mina Harker et Dracula est totalement absente du
roman, ici, elle sublime littéralement l’histoire et fait du vampire un
personnage tragique et pour lequel on éprouve même de la compassion, ce, malgré
tous ses crimes.
-
Gary Oldman est tout simplement
stupéfiant dans le rôle de Dracula et, franchement, rien que pour sa
prestation, ce film mérite le détour.
- Winona Ryder et Sadie Frost crèvent tout bonnement
l’écran.
- Clins d’œil a d’autres adaptations du vampire,
effets cinématographiques qui renvoient au début du cinéma, jeux d’ombres,
effets spéciaux bluffant – même lorsque l’on devine les grosses ficelles de ces
derniers – jeux de lumières, d’ombres. Bref, chaque scène, ou presque, est un
régal pour le spectateur.
- Un érotisme parfaitement assumé mais qui ne dénote
nullement dans ce film.
Points
Négatifs :
-
La prestation catastrophique de Keanu Reeves dans le rôle de Jonathan Harker.
Il faut dire qu’à la base, ce personnage n’est pas le plus emballant qui soit,
mais là, c’est une pure purge, surtout que Reeves possède le charisme d’une
huitre…
-
Un Anthony Hopkins qui en fait des tonnes et qui finit par perdre toute
crédibilité.
-
Dans l’ensemble, un casting masculin loin d’être à la hauteur du féminin.
-
Dommage que le film ne soit pas plus long.
Ma
note : 8,5/10
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