LÀ
OÙ VONT NOS PÈRES
Dans
un intérieur modeste, un père de famille fait sa valise, prenant soin
d’emballer précautionneusement un cadre, dans lequel il pose avec sa femme et sa
fille. Il lui faut partir, en éclaireur, dans le but de trouver une meilleure
conjoncture politique et sociale que celle qui régit leur quotidien. Le quai
d’une gare, un train, un dernier au-revoir… Les adieux sont déchirants. Ils
sont nombreux comme lui, sur le paquebot, à faire ce long voyage dans de
chiches conditions. Enfin, la terre d’accueil est en vue : gigantesque,
moderne, nouvelle, libre !... mais inconnue. Dès l’arrivée, en compagnie de
centaines d’autres, il doit subir de nombreux tests. Eprouvante, cette phase
est destinée à mieux orienter tous les migrants dans ce monde bien organisé. Un
papier officiel à la main, tamponné comme il faut, le voilà en route à travers
un paysage urbaine dantesque et énigmatique, vers sa zone d’affectation. Dès
lors, il doit tout apprendre des rouages de cette société. Réapprendre à
communiquer, à acquérir son autonomie… à vivre !
Là où vont nos pères
Scénario
: Shaun Tan
Dessins
: Shaun Tan
Encrage : Shaun Tan
Couleurs : Shaun Tan
Couverture : Shaun Tan
Genre : Société
Editeur : Hodder Children's Books
Titre
en vo : The Arrival
Pays
d’origine : Australie
Langue
d’origine : anglais
Parution
: 01 octobre 2007
Editeur
français : Dargaud
Date
de parution : 01 mars
2007
Nombre
de pages : 128
Mon
avis : Ce n’est pas évidant de critiquer une
œuvre qui, dans l’ensemble, a eu le privilège de recevoir tant de critiques
pour le moins élogieuses, une œuvre qui transcende son genre d’origine – ici,
la bande dessinée – et qui peut toucher un public réfractaire a ce dernier. Car
oui, pour apprécier Là où vont nos pères,
il n’est nullement besoin d’être un amateur de BD, loin de là. Cependant, peut
être vous faudra t’il une certaine sensibilité d’une part, un goût certain pour
l’imaginaire et, surtout, vous aménager un certain temps au calme et au
silence, seul, afin de mieux vous immerger dans cette œuvre pour le moins
singulière mais qui ne vous laissera pas indifférent. Ainsi, après un préambule
ou l’on découvre des dizaines de visages aux origines diverses, l’on entre
doucement dans l’histoire elle-même, avec le départ d’un père et sa séparation,
forcement douloureuse, avec ses proches, le tout sous un fond sépia qui ne nous
quittera pas tout au long de l’album, lui donnant un aspect graphique du plus
bel effet. Cette scène, mille fois vue et revue, voir vécue, n’est qu’une
entrée en matière, et ne nous permet pas d’imaginer la suite. Tout au plus sais
t’on que cet homme part travailler ailleurs, dans un lieu où, forcement, la vie
sera plus facile pour lui et les siens. Les raisons de son départ, on ne les
connaît pas précisément, mais la dernière case, nous les laisse deviner, et ce,
de façon imagée… En fait, c’est ainsi que j’ai vu cet album, où notre réalité
est dépeinte avec des paraboles, des métaphores, mais que l’on peut
parfaitement reconnaître. Bien évidement, Là
où vont nos pères était une parabole sur l’immigration, cependant, malgré
le fait que le sujet a déjà été traité a de multiples reprises, force est de
constater que tout cela est plutôt bien traiter. Ainsi, pendant que les pages
défilent, on s’aperçoit que tout est suggéré et que les liens entre cet
étonnant Pays des Merveilles, digne
de celui d’Alice, et notre monde sont nombreux, ne serais que pour la scène où
le navire qui emmène les immigrés arrive devant le port de ce qui ressemblerait
bien à New York si un architecte sous acide en avait tracé les plans. Ce parti
pris graphique de l’auteur, alterne donc entre des cases intimistes et de
grandes doubles pages magnifiques, et nous montre, ainsi, ce que peut ressentir
un étranger arrivant pour la première fois dans un nouveau pays, si différent
du sien, avec les difficultés qui l’accompagnent : se faire comprendre, trouver
un logement, un travail, apprendre la langue, découvrir de nouvelles coutumes
etc. Alors, bien évidemment, notre personnage principal a de quoi être perdu en
arrivant en un tel endroit. Mais si, dans cette BD, le coté ville féerique est
mis en avant, dans notre monde réel, les difficultés n’en sont pas moins
importantes. Alors, je ne vous dévoilerais pas davantage l’histoire en
elle-même, cela serait gâcher le plaisir si important de la découverte par sois
même. Tout au plus me répéterais je en vous conseillant vivement cette œuvre
emplie de métaphores, aux graphismes féeriques et inoubliables qui ne pourra vous
laisser insensible, en particulier, si comme moi, vous vous retrouver dans
cette histoire. De part mes origines, c’est le cas : mes parents, un jour, on
quittés leurs pays natal comme tant d’autres, et c’est pour cela que Là où vont nos pères m’a autant touché,
les difficultés vécues par le personnage principal ne m’étant pas entièrement
étrangères. A moi, comme à tant d’autres… Et sincèrement, on peut être
davantage touché par ce que certains appelleraient dédaigneusement une vulgaire
BD que part un énième reportage sur l’immigration…
Points
Positifs :
-
Une œuvre magnifique sur l’immigration et qui, au demeurant, vaut tous les
reportages du monde sur le sujet. Il faut dire qu’avec ce que certains
estimeront être juste une simple bande dessinée, Shaun Tan réussit la gageure de traiter de tout ce qui touche l’immigration,
c’est-à-dire, l’impératif de partir – quel qu’il soit – le déchirement familial,
le voyage, les difficultés des débuts, l’adaptation a un monde complètement
différent puis, pour finir, les retrouvailles avec la famille lorsque, enfin, la
situation professionnelle est stabilisée.
- L’auteur use abondement de nombreuses métaphores
et a fait de cette espèce de New-York, un monde féerique fort différent du
notre et incompréhensible pour son migrant ; mais c’est pour mieux nous
montrer comment ces derniers peuvent être perdus lorsqu’ils arrivent chez nous.
- Visuellement, Là
où vont nos pères est une pure merveille. Il faut dire qu’entre le choix de
Shaun Tan de s’inspirer de vieilles photos pour ses personnages, le design de l’ensemble
et ces tons sépias, cette BD est un pur régal pour nos yeux.
- Aucune parole dans cet album, mais celles-ci ne se
justifiaient nullement et l’ensemble est parfaitement compréhensible.
- Une œuvre qui touchera particulièrement tous les
enfants d’immigrés.
Points
Négatifs :
-
L’auteur s’attarde un peu sur certains passages pas forcément indispensables et
un peu moins sur d’autres plus vitaux – comme, par exemple, les difficultés à
trouver un travail pour son héros.
-
Malgré toutes ses qualités, Là où vont
nos pères n’est pas non plus un chef d’œuvre absolu qui révolutionnera l’histoire
de la bande dessinée, comme j’ai put le lire ici ou là, non, c’est une
excellente BD engagée et qui témoigne fort bien d’un sujet oh combien d’actualité.
Et c’est tout.
Ma
note : 8/10
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