LA
TRILOGIE DE LA QUÊTE D’EREKOSË
Je
suis John Daker, victime des rêves du monde entier. Je suis Erekosë, Champion
de l’Humanité, qui extermina la race humaine. Je suis Ulrik Skarsol, Seigneur
de la forteresse Gelée, qui porta l’Epée Noire. Je suis Ilian de Garathorm,
Elric le Tueur de Femmes, Hawkmoon, Corum et tant d’autres, hommes, femmes ou
androgynes. Je fus tous ceux-là. Et tous sont des guerriers engagés dans
l’éternelle Guerre de la Balance, cherchant à préserver la justice dans un
univers sous la menace perpétuelle d’un Chaos qui gagne du terrain, à imposer
le Temps à une existence sans commencement ni fin. Et pourtant, cela n’est pas
ma vraie malédiction…
La Trilogie de la Quête d’Erekosë
Auteur
: Michael
Moorcock
Type
d'ouvrage : Fantasy
Première
Parution : 1970, 1970, 1986
Edition
Française : 26 avril 2007
Titre en
vo : The
Eternal Champion, Phoenix in Obsidian, The Dragon in the Sword
Pays
d’origine : Royaume-Uni
Langue
d’origine : anglais
Traduction : Arnaud
Mousnier-Lompre
Editeur : Pocket
Nombre
de pages : 864
Mon
avis : Après de longs mois, je suis
finalement venu à bout (si l’expression est véritablement celle qui convient)
des quatre cycles majeurs du Champion Eternel de Michael Moorcock. Ainsi, après Elric, Hawkmoon puis Corum,
il était temps, bien entendu, de découvrir Erekosë, la fameuse
incarnation du Champion dont le privilège, ou plutôt la malédiction, est de se
souvenir de toutes ses incarnations, passées et futures. Cependant, avant
d’aller plus loin et de développer ma critique du cycle qui nous préoccupe
aujourd’hui, je tenais à avouer en toute franchise que j’étais assez dubitatif
avant de me plonger dans la lecture de La Trilogie de la Quête
d’Erekosë. Tout d’abord, le personnage en tant que tel ne m’attirait pas
plus que ça : entre Elric, la classe à l’état pur, Hawkmoon certes moins
charismatique mais à l’univers si riche et un Corum qui ne souffre aucunement
de la comparaison avec le Prince albinos, Erekosë, lui, me paraissait un ton en
dessous ; certes, le fait qu’il se souvienne de ses autres incarnations était
un postulat de base plutôt intéressant et original, mais a part ça, j’avais du
mal a imaginer ce que l’auteur, passé les premières pages, pouvait en tirer,
surtout que les quelques critiques lues ici et là ne m’inspiraient pas une
grande confiance. Et comme le peut de fois où le personnage était apparu dans
les autres romans de ses « avatars »,
il ne m’avait pas laissé un souvenir impérissable, je reconnais que ce fut avec
une certaine méfiance et sans attendre grand-chose que j’ai abordé la
Quête d’Erekosë. Cependant, avant
de renter dans le vif du sujet, une petite précision s’impose au sujet de ce
cycle. La présente édition, de chez Pocket, regroupe les trois
volumes du cycle d’Erekosë : Le Champion Éternel, Les
guerriers d’argent et Le Dragon de l’épée. J’aurais put
vous proposer trois critiques différentes qui se seraient succédées, ce qui,
d’ailleurs, au vu de la longueur de ceux-ci en comparaison avec ceux d’Elric et
consorts n’auraient pas dénotés, bien au contraire mais après une courte
hésitation, je me suis décidé pour un unique article, diviser en trois. Les
deux premiers romans sont liés puisque écrits à la même époque (1970), le
dernier, lui, est bien plus récent et est un peu à part. Ainsi, dans Le
Champion éternel, le lecteur fait donc connaissance avec Erekosë dans le
premier roman qui lui est exclusivement consacré, au titre révélateur qui veut
tout dire à lui tout seul. Disons le tout de suite, ce récit est bien plus
profond que l’on pourrait le croire de prime abord. En effet, bon nombre des
détracteurs d’Erekosë ont, au fil des ans, critiquer cette œuvre
sous le prétexte, pas forcement faux d’ailleurs, que Moorcock use jusqu'à n’en
plus soif son idée de départ sur le fait que son héros se souvient de ses
incarnations successives. Cette critique, que je ne nie pas, est certes fondée
pour les deux premiers volumes du cycle, pourtant, cela serait réducteur de les
écarter uniquement par ce fait : en effet, puisque Erekosë a le malheur (oui,
qui aimerais être a sa place ?) de se souvenir d’un nombre incalculable
d’autres vies, il me semble logique et normal que l’auteur en face mention à de
multiples reprises au fil du récit et que cette malédiction ne soit pas
occultée. Alors oui, l’on se retrouve du coup avec un personnage qui se lamente
énormément, voir trop ; mais deux choses sont à prendre en considération :
Elric fait de même et tout le monde trouve cela génial, quant à Hawkmoon, il devient
justement intéressant lorsqu’il souffre et se lamente, les premiers tomes,
franchement, ce n’est pas trop ça. Nous avons donc un personnage, Erekosë avec
de la profondeur, troublé (on le serait aussi à sa place) et qui ne se sent pas
vraiment chez lui dans le monde où il débarque. Mais là où Moorcock fait très
fort, c’est dans une intrigue qui très rapidement, va prendre, malgré les
apparences, un chemin tout bonnement contestataire et dénonciateur de la folie
des hommes : effectivement, lorsque l’on lit Le Champion éternel,
comment ne pas y voir que plus qu’un simple récit de Fantasy parmi tant
d’autres, une œuvre forte (oui, j’ose mes mots) qui nous montre a quel point la
haine de tout ce qui est différent, la peur de l’autre, le racisme peut entraîner
l’Homme dans une folie destructrice, meurtrière et génocidaire ; car Erekosë,
Champion de la race humaine appelé pour éradiquer les Xenans, que l’on accuse
de tous les maux et bien plus encore, s’apercevra bien vite que la folie et le
radicalisme n’est pas du coté qu’il croyait, au point de trahir sa propre race.
Mais chut, j’en ai trop dit et je laisse au lecteur le plaisir de découvrir
sans tarder un récit intense et bien trop rare à mon goût. Un récit qui, par le
biais du fantastique et du merveilleux, donne à faire réfléchir sur le
comportement humain en général. Sincèrement, un régal. Pour ce qui est
des Guerriers d’Argent, mon enthousiasme, malheureusement, a dut
baisser d’un ton. En effet, si Michael Moorcock avait atteint des sommets
avec Le Champion éternel, force est de constater que la suite est
d’un tout autre acabit et que, les critiques que certains ont put faire à la
série trouvent ici toute leur justification. Car Erekosë, appelé dans un autre
monde, dans un lointain futur ( ?), gelé, sous un soleil rouge et en fin de
vie, un monde morne où ses rares habitants, désabusés, attendent sans espoir
leur morts, se contente ici, en toute franchise, de se lamenter (avec plus de
raisons puisque en plus, il est arraché à celle qu’il aime), d’accomplir sa
quête sous l’identité d’Ulrik dans un récit qui se laisse lire mais qui n’a pas
la force de son prédécesseur, loin de la. Sans être mauvais, le synopsis de
ces Guerriers d’argent n’est qu’un banal récit de Fantasy,
sans nouveautés et qui ne surprend plus le lecteur, l’effet de surprise du
premier volume étant passé. Alors oui, j’ai passé un bon moment à sa lecture,
mais bon, sans plus et après coup, je dois admettre que celui-ci ne restera pas
dans les annales. Ce n’est pas une question de qualité intrinsèque (l’histoire
est bonne) mais disons qu’elle aurait put se suffire a elle-même et qu’elle
n’apporte pas grand-chose à l’ensemble. Bref, vous l’avez compris, à mille
lieux du Champion éternel, ces Guerriers d’argent,
s’ils comportent quelques bons moments, sont loin d’être indispensables, sauf,
bien entendu, pour la compréhension du cycle dans son ensemble. Le Dragon de
l’épée est heureusement d’un tout autre acabit. Ecrit vers la fin des
années 80, a la même époque que deux titres d’Elric, La
Forteresse de la Perle et La
revanche de la rose, il en
est assez semblable par la forme et le style d’écriture, bien plus élaborer que
dans les premiers écrits de Moorcock. Du coup, il dénote assez avec les deux
premiers récits du cycle, en particulier par la forme et surtout, donc, par le
style, bien plus complexe et où les descriptions ont gagné en profondeur. Mais
cette évolution dans le style littéraire n’est pas forcement un gage de qualité
a première vu ; après tout, rien ne nous garantissait que ce dernier tome des
péripéties d’Erekosë soit une réussite. Mais heureusement, comme le
lecteur s’en aperçoit assez rapidement au fil des pages, Le Dragon de
l’épée est un très bon récit de l’auteur britannique qui a sut, une
fois de plus, tenir en haleine ses lecteurs avec un texte fort, profond, et
qui, par certains cotés (et malgré toutes les dissemblances dut aux deux
décennies d’écart) ressemblent a son prédécesseur, Le Champion éternel.
Car une fois de plus, ce n’est pas à un simple récit de Fantasy que l’on aura
droit tant les sujets abordés, si l’on sait bien lire entre les lignes (et
encore) sont nombreux. Si dans le premier volume du cycle, c’était la guerre et
le racisme qui étaient dénoncés principalement, cette fois ci, c’est les
totalitarisme, les dictateurs et les façons dont ceux-ci parviennent au
pouvoir, et contrôlent leur peuple, qui est mis en avant, avec un parallèle
plus que judicieux avec Hitler et le nazisme, par le biais d’un personnage, Von
Beck, avatar a la fois du Champion et du Compagnon, suivant le lieu et le temps
où celui-ci (et les autres membres de sa famille) est utilisé. Ainsi, en plus
d’un récit très réussi et captivant, même si pas forcement original (sauvez le
monde, récupérer une épée, des méchants très méchants etc.), Moorcock réussi à
transcender son œuvre en lui donnant un coté engagé de bon effet. Mais ce n’est
pas tout et ce n’est pas seulement le totalitarisme qui est dénoncé dans ce
troisième volume de La Quête d’Erekosë : en effet, par le
biais de son personnage principal et de sa lute incessante entre ses diverses
identités, l’auteur nous montre, le plus naturellement du monde, que le simple
fait de savoir qui on est véritablement et de l’accepter, vaut tous les hauts
faits héroïques du monde. Oui, c’est John Daker qui l’emporte sur Erekosë,
Ulrik, et tous les autres à la fin, oui, c’est John Daker qui fait que, les six
Royaumes sont sauvés, et c’est finalement John Daker qui, à la fin, est
récompensé de ses efforts en obtenant un repos bien mérité, les dernières
lignes étant assez forte a mon avis lorsque Moorcock nous dit, par le biais de
son héros, que notre monde est tout autant fantastique que ceux qu’il a put
parcourir, qu’il y autant de mérite à y vivre que partout ailleurs. Un constat
simple et qui serait bon pour tous ceux qui rêvent d’une autre vie, soit disant
plus merveilleuse, en oubliant, tout bonnement, de vivre la leur. Franchement,
un excellent roman, sans aucune contestation possible. Alors, mes craintes de
départ en ce qui concernaient Erekosë ? Envolées, bien entendu
à la suite de ces trois récits (moins le deuxième tout de même, loin d’avoir la
force des deux autres) qui, sincèrement, m’ont plus qu’agréablement surpris.
J’étais très loin de m’attendre a tant de qualités en lisant La
Trilogie de la Quête d’Erekosë et ce fut donc avec surprise que je l’aie
dévoré, y prenant énormément de plaisir. Franchement, je conseille vivement la
lecture de ce cycle à tous les amoureux de Moorcock, aux amateurs de Fantasy en
général, mais aussi, à tous ceux qui aiment réfléchir et ne pas se contenter de
lire des œuvres fades, sans grand intérêt.
Points
Positifs :
-
Une excellente compilation des trois romans du cycle d’Erekosë et qui rend justice a un héros trop souvent oublié ou mis
de coté chez les fans de Moorcock qui lui préfèrent le flamboyant Elric ou
Corum et Hawkmoon. Personnage fort complexe, qui a la malédiction de se
souvenir de toutes ses vies passées et futurs, Erekosë se révèle être un avatar
du Champion Eternel bien plus intéressant que prévu.
-
Le Champion Eternel, le premier
roman, est un pur bijou tant par son intrigue, rapidement captivante, que pour
ce qu’il dénonce, c’est-à-dire, le racisme, la haine de ce qui est différent et
la guerre dans son ensemble. Un beau petit plaidoyer a l’acceptation de l’autre
et qui n'a pas prit une ride, même de nos jours.
-
Le Dragon de l’épée, plus récent
puisque datant des années 80, n’en reste pas moins plutôt bon dans l’ensemble.
Voilà aussi un roman qui, sous couvert d’un récit de Fantasy, est un beau petit
brulot contre les totalitarismes en tous genres.
-
La présence d’Ulrich von Beck dans Le
Dragon de l’épée, autre avatar du Champion Eternel et qui tient lieu ici de
compagnon a Erekosë.
Points
Négatifs :
-
Pour ce qui est des Guerriers d’Argent,
si ce roman se laisse lire et est plutôt plaisant, il est largement inférieur
aux deux autres, de plus, il fait un peu doublon avec le premier.
-
Si Le Dragon de l’épée clôt fort bien
cette intégrale, il faut reconnaitre qu’il possède quelques petites faiblesses,
l’intrigue possédant un petit coup de mou vers le milieu de celle-ci.
Ma
note : 8/10
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