LE
RÉCUPÉRATEUR DE CADAVRES
En
1831, le Docteur MacFarlane (Henry Daniell) dirige l’Ecole de médecine
d’Edimbourg. Donald Fettes (Russell Wade), élève de MacFarlane, souhaite
soigner une petite fille victime de paralysie. MacFarlane se laisse convaincre mais
a besoin d’un cadavre afin de préparer l’opération. Il fait alors appel aux
services de John Gray (Boris Karloff)...
Il
y a de cela un peu plus d’une semaine, environ, je vous signalais sur ce blog
mon inscription à la médiathèque,
fraichement ouverte, de ma ville ainsi que l’un de mes emprunts les plus
prometteurs, un film, Le récupérateur de
cadavres, avec, en vedette à en croire la jaquette du DVD, deux monstres
sacrés du cinéma d’horreur de la grande époque : le grand (par la taille
mais aussi par le talent) Boris Karloff et le vampirique Bela Lugosi. Cette œuvre,
je dois l’avouer, je n’en avais jamais entendu parler jusque-là et,
immédiatement, je me suis dit que je ne pouvais décidément pas passer à côté d’une
telle rencontre entre deux acteurs aussi cultes, mais aussi, devant ce qui s’avérait
être un synopsis pour le moins intéressant : en effet, plus qu’un banal
film d’horreur avec, dans le désordre, savant fou, château hanté au sommet d’un
promontoire rocheux, valet bossu et maitre des lieux vampirique, dans Le récupérateur de cadavres, The body snatcher en vo, nous avons
droit à un sujet certes souvent abordé dans le cinéma, mais toujours aussi pertinent,
je veux bien évidement parler de jusqu’où peut aller la science sans se
fourvoyer ?
Tiré
d’une œuvre de Robert Louis Stevenson, elle-même inspiré d'un fait divers réel,
l’intrigue du Récupérateur de cadavres
nous entraine en Ecosse, a Edimbourg, au début du XIXème siècle :
ici, donc, un célèbre professeur en médecine, le Docteur MacFarlane, devant le
peu de corps disponibles pour la dissection à proposer à ses étudiants, use des
talents d’un étrange cocher qui n’hésite pas à user de moyens pour le moins scabreux
afin de satisfaire les demandes de son client ; client dont, on s’apercevra
assez rapidement, il partage un vieux secret pour le moins inavouable. Vous l’avez
compris, le scénario aborde une thématique bien réelle et qui se poursuivit
pendant des siècles : en effet, pendant longtemps, nombre de médecins
usaient de la sorte et tout un marché pour le moins morbide prospérait au sein
des villes universitaires, villes où, la nuit, dans les cimetières et les
morgues, il se passait de drôles de choses. Mais dans ce film, les agissements
du cocher, superbement interprété par un Boris Karloff qui nous prouve
indéniablement que son talent allait bien au-delà que son rôle de monstre dans Frankenstein ou La Momie, chose que l’on a tendance à oublier un peu trop hâtivement,
vont beaucoup plus loin que celui de simple fournisseur de cadavres frais :
devant la demande, toujours plus pressante, un petit coup de main du destin s’avère
vite indispensable, et le docteur MacFarlane, fortement dépendant dans sa
relation, est vite pris au piège face aux actes de son complice tout en sachant
que si l’un tombe, l’autre tombera également. Pourtant, les choses ne sont pas
aussi simples que l’on pourrait le croire.
En
effet, l’une des grandes forces de ce Récupérateur
de cadavres est son absence de tout manichéisme ; certes, le jeune
étudiant en médecine est là pour nous présenter un personnage que l’on pourrait
qualifier de positif, pourtant, c’est par les agissements contestables et hors
la loi du Docteur MacFarlane que celui-ci finit par guérir une petite fille
paralysée, chose auquel il ne serait pas parvenue si, auparavant, son comparse
n’aurais pas commis un meurtre afin de lui fournir un corps pour qu’il étudie
la colonne vertébrale. Mais même la figure du cocher, a la grande surprise du
spectateur, est bien plus ambiguë que l’on pourrait le supposer puisque, non
seulement celui-ci – Boris Karloff donc – est doux et prévenant avec la jeune
paralytique, mais en plus, ces paroles du début du film finissent par être a l’origine
de la guérison de celle-ci. Alors, des personnages non manichéens, dans un film
américain et datant de 1945, on croirait presque rêver, comme quoi… Et à ce
scénario tout bonnement excellent, comment ne pas saluer la mise en scène de Robert
Wise, qui en était là à son troisième film pour la RKO, et qui, bien avant des œuvres comme Le Jour où la terre s'arrêta, West
Side Story, La Mélodie du bonheur,
La Canonnière du Yang-Tse et Star Trek, le film, qui firent sa
renommée, signe ici un pur petit bijou du cinéma d’horreur de la grande époque ;
entre une mise en scène époustouflante, des acteurs excellents, un thème fort, Le récupérateur de cadavres, servit par
un noir et blanc qui renforce le coté gothique de la chose, et ce, du plus bel
effet, est une œuvre rare et qui, sans aucun doute, mérite d’être découverte
pour ceux qui ne la connaitraient pas encore.
Pour
finir, je tennais à revenir sur la présence de Bela Lugosi dans ce film. Contrairement
à ce qui est annoncé dans le DVD, celui-ci n’occupe qu’un rôle mineur dans Le récupérateur de cadavres, celui de
valet du docteur MacFarlane, et on ne le voit quasiment pas. En effet, à la
base, il ne devait pas jouer dans le film mais ce furent les producteurs qui
exigèrent sa présence, afin que la fameuse rencontre entre les deux célèbres
monstres sacrés du cinéma d’horreur puisse avoir lieu. Cette scène, courte, n’en
reste pas moins particulièrement jouissive, ne serais ce que par les dialogues,
savoureux, entre les deux acteurs. Certes, de par ses qualités, Le récupérateur de cadavres vaut plus
que cette simple scène, mais bon, sans nul doute que pour les amateurs du
genre, celle-ci à, également, son importance.
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