ÇA
La
terreur s'incarna pour la première fois dans un bateau en papier journal
dévalant un caniveau gonflé d'eau de pluie. Un petit garçon courait gaiement à
côté. Il s'appelait George et avait six ans... Pris dans un tourbillon,
l'esquif disparut dans une bouche d'égout. L'enfant mit un genou à terre, se
pencha... Des yeux jaunes le regardaient, des yeux comme ceux qu'il avait
imaginés le guettant dans la cave... «
Salut, Georgie ! » fit une voix... Un clown se dressait dans l'égout. Sa
main noueuse comme une patte de rapace tenait un lot de ballons colorés...
George tendit le bras... Dans la rue, les gens ne virent qu'un gamin en ciré
jaune qui hurlait et se tordait dans le caniveau... Œil de salamandre, Queue de
dragon, Main de gloire, quoi que ce fût, c'était là de nouveau... Ça ! L'ordure
aux cent têtes...
Il
y a de cela vingt ans environ, c’était le début des années 90 et la fin de mon
adolescence, et après avoir découvert Tolkien et son Seigneur des Anneaux peu de temps auparavant, un autre auteur pris
une place importante dans ma vie d’alors, Stephen King. Aujourd’hui, deux décennies
plus tard, je me souviens encore parfaitement du choc que je ressentis alors en
me plongeant dans quelques-unes de ses œuvres parmi les plus emblématiques :
ainsi, entre mon premier ouvrage du maitre de l’Horreur, Simetière, puis Carry, Charlie, Jessie et, bien évidemment, ce formidable chef d’œuvre que fut Ça, cette sombre histoire d’un clown
qui, dans une petite ville perdue du nord est des Etats Unis, se réveillait
tous les 27 ans afin de dévorer des enfants, le début des années 90 fut
indéniablement marqué par le sceau de Stephen King. Pourtant, il aura suffi
que, une fois mon service militaire achevé, je découvre le Maitre de
Providence, je veux bien évidement parler de HP Lovecraft pour que ne palisse l’étoile
de Stephen King, aussi vite survenue dans ma vie, aussi vite partie, au point
même que, au bout de quelques années, j’étais de plus en plus désobligeant à
son sujet. Alors certes, je n’oubliais pas mes amours passés pour lui, de même,
je reconnaissais, ne serais-ce que par le biais de bon nombre d’adaptations
cinématographiques de ses œuvres, qu’il en avait écrit bon nombre, et de fort
bonnes ; cependant, quand je faisais les comparaisons entre King et
Lovecraft, quand je me disais qu’en quelques dizaines de pages, ce dernier
allait bien plus loin dans l’indicible que le premier dans un roman de six cent
pages, et bien, l’affaire semblait entendue… Pourtant, et malgré toutes ces
années écoulées, une œuvre de Stephen King gardait pour moi une place
particulière, Ça.
Il
faut dire pour etre tout à fait franc que non seulement, Ça a toujours été mon roman préféré de Stephen King mais qu’en
plus, il est indéniablement dans mon top ten, tous genres confondus : un
truc tout bonnement énorme, véritable compilation de tous les genres
horrifiques, diablement fort bien écris et captivant au possible, qui nous
propose carrément l’un des « méchants »
les plus charismatiques et inquiétants qu’il m’ai été donné de voir dans un
livre, le fameux clown Grippe-Sou, en fait, une entité fort semblable à celles
du mythe de Cthulhu, arrivé sur Terre il y a des millions d’années et venu des
profondeurs de cet espace lointain qui faisait tant peur a Lovecraft. Mais Ça, c’est bien plus qu’un simple roman d’horreur
comme il en existe tant : comme je vous l’ai dit, tout d’abord, c’est une
excellente compilation du genre, mais au-delà de ceci et des multiples avatars
de Ça – clown, lépreux, loup-garou,
momie, araignée, créature des marais, vampire etc. – l’autre principale source
d’intérêt de ce roman, c’est la prédominance du passage à l’âge adulte. Ainsi,
la structure de ce très long roman de plus de mille pages, alterne entre deux
périodes de temps, 1958 et 1985, et les héros, âgés d’une dizaine d’années lors
de leurs première rencontre avec le clown meurtrier, et donc, capables de tout
car, enfants, pour eux, la magie est du domaine du possible, ne sont plus loin
de la quarantaine lorsqu’ils doivent revenir a Derry afin d’en finir une bonne
fois pour toutes avec Ça ; et là, les choses se compliquent diablement,
malgré ce que l’on pourrait penser de prime abord. Et justement, c’est là tout
l’intérêt de cet ouvrage et le coup de génie de Stephen King qui, alternant
entre deux époques d’un chapitre à l’autre mais aussi de points de vu selon les
protagonistes mis en avant, réussi le tour de force de nous offrir une œuvre à
la fois monumentale et hautement captivante, une œuvre qui, bien évidemment, et
comme il est de coutume avec King, va très loin dans l’horreur pure et dure
(les descriptions sont terribles et souvenez-vous, ce sont des enfants qui y
passent) tant physique que psychologique (dès le premier chapitre, le summum est
quasiment atteint avec l’assassinat du petit frère du personnage principal, un
truc qui me marqua fortement lors de ma première lecture, ayant moi-même un
frère plus jeune), mais qui, du coup, sait s’attarder sur les nombreux
protagonistes, leurs craintes, leurs peurs, leurs espoirs, et qui, bien
entendu, joue fort habilement de la différence entre l’enfance et l’âge adulte,
un âge auquel on ne croit plus à rien, où l’impossible n’est plus possible, où
la magie n’existe plus, forcément, mais aussi, où l’on se retrouve impuissant
pour battre une entité comme Ça.
Relire
une œuvre aussi magistrale que Ça,
après tant d’années, fut l’une des meilleures idées que j’ai eu depuis longtemps,
et je n’exagère pas le moins du monde en vous disant cela. Je l’avais presque oublié
mais c’est fou ce que ce roman est tout bonnement grandiose pour les raisons
dont je vous ai parlé précédemment. Bien évidemment, je connaissais déjà la
trame de l’histoire et ne fut pas vraiment surpris par cette relecture, par
contre, étant plus âgé et possédant un bagage plus important de par mes diverses
lectures, j’ai pu apprécier davantage Ça
par le biais de petits détails, de petites inspirations de Lovecraft mais
aussi, tout simplement, par le simple fait que j’ai moi-même, désormais, l’âge
des membres du club des ratés lorsqu’ils reviennent a Derry, et que, pour moi
aussi, l’enfance est désormais très loin… Justement, petit détail supplémentaire
qui faisait que je ne pouvais qu’apprécier cette œuvre : ayant moi-même fait
partie, du temps de mon enfance et de l’adolescence, d’une espèce de club des
ratés, comment ne pas me revoir dans ces sept enfants ? Quoi qu’il en
soit, et même vingt ans plus tard, Ça
est toujours aussi exceptionnel, sur cela, je n’ai pas changé d’avis une seule
seconde, et puis, c’est tout de même le roman qui confirme tout ce que j’ai
toujours pensé sur les clowns… Enfin bon, du coup, m’étant réconcilier avec le
maitre, je vais me faire toute une série de bouquins de Stephen King, histoire
de rester dans l’ambiance, avec, en point d’orgue, pour débuter, Le Fléau, puis La Tour Sombre… bref, je pense que je n’en ai pas finis de sitôt
avec King dans ce blog…
2 commentaires:
Tout pareil. Il est vraiment génial ce King.
Mon préféré de lui, tout simplement...
Viens de commencer Le Fléau et ça a l'air pas mal aussi.
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