mardi 6 mars 2012

POLISSE



POLISSE

Le quotidien des policiers de la BPM (Brigade de Protection des Mineurs) ce sont les gardes à vue de pédophiles, les arrestations de pickpockets mineurs mais aussi la pause déjeuner où l’on se raconte ses problèmes de couple ; ce sont les auditions de parents maltraitants, les dépositions des enfants, les dérives de la sexualité chez les adolescents, mais aussi la solidarité entre collègues et les fous rires incontrôlables dans les moments les plus impensables ; c’est savoir que le pire existe, et tenter de faire avec… Comment ces policiers parviennent-ils à trouver l’équilibre entre leurs vies privées et la réalité à laquelle ils sont confrontés, tous les jours ? Fred, l’écorché du groupe, aura du mal à supporter le regard de Melissa, mandatée par le ministère de l’intérieur pour réaliser un livre de photos sur cette brigade.

Avant de rentrer dans le vif du sujet, c’est-à-dire, la critique à proprement parler de ce film, je souhaiterais vous raconter une petite anecdote qui résume parfaitement le côté « tête en l’air » que je suis bien souvent : en effet, cela fait longtemps que j’attends la sortie en DVD d’un certain film français qui a tellement bien marché qu’il a tout simplement triompher dans une certaine petite cérémonie inconnue que l’on surnomme les Oscars – c’était il y a une semaine environ, pour ceux qui suivent l’actu cinématographique. Ce film, bien entendu, c’est The Artist, avec, en tête d’affiche, un certain Jean Dujardin – Oscar du meilleur premier rôle masculin, quand je pense d’où il vient, que de chemin parcouru ! Bref, cela fait longtemps que j’ai envie de voir ce film, ne serais ce que pour m’en faire ma propre opinion, et franchement, je dois avouer que l’attente commence à se faire longue. Surtout que cela fait plusieurs fois que je suis persuadé que The Artist est déjà sorti en DVD alors que ce n’est pas le cas ! Tenez, pas plus tard que samedi dernier, j’ai réussi à convaincre ma femme de m’accompagner a Carrefour pour acheter le film ; or, que nous arriva-t-il, comme vous pouvez vous en doutez ? Bien entendu, on ne l’a pas trouvé. Du coup, j’ai encore une fois insulté copieusement cette enseigne de la grande distribution, surtout que, depuis un certain litige avec Playmobil (à l’occasion, je vous en parlerais), je l’ai dans le collimateur, en criant sur tous les toits que quand on cherche quelque chose, il ne faut surtout pas aller à Carrefour ! Puis, après avoir finis de me ridiculiser le dimanche, en affirmant que oui, le DVD était sorti mais que, décidément, Carrefour, c’est de la daube, je me suis rendu compte, le soir, qu’il m’aurait été particulièrement difficile de me procurer The Artist vu que le DVD ne sort que le… 14 mars ! Bref, j’ai encore perdu une bonne occasion de me taire.


Mais au fait, quel rapport avec Polisse, car bon, comment dire, après tout, ce billet est consacré à la critique de l’œuvre de Maïwenn et en aucun cas à mes péripéties dans des magasins ? Eh bien, disons qu’en tant que vieux roublard que je suis, je ne suis pas revenu les mains vides ; bon, déjà, à la base, je comptais convaincre ma femme que l’on achète les deux films (oui, je sais, je fais partie des dernières personnes en France à acheter encore des DVD), même si j’avais une nette préférence pour The Artist s’il fallait n’en prendre qu’un ; celui-ci n’ayant pas été trouvé, puisque pas encore sortit, je me suis rabattu – enfin, façon de parler – sur un autre film qui m’intriguait depuis pas mal de temps et que j’avais également hâte de voir : ce fameux Polisse.


Bien évidemment, et je pense ne rien apprendre à personne (sauf les éternels étourdis, si, si, ils existent), Polisse signifie Police, mais écrit façon « enfants », les omniprésentes « victimes » du film, l’élément central de celui-ci, puisque dans cette œuvre, comme chacun sait, on suit les péripéties quotidienne de la Brigade de Protection des Mineurs (BPM) parisienne. Mais ici, nous sommes loin d’un banal film policier comme le septième art peut nous en offrit à foison chaque année (en fait, il nous les refourgue par semi-remorques entiers) et la problématique de Polisse n’est pas de nous ressortir les habituelles rengaines entre différences entre cinéma français, que l’on qualifiera d’auteur, d’intello, d’intellectuel, et l’autre, celui d’outre-Atlantique, de chez l’Oncle Sam, avec dix cascades a la minute, des explosions a tout vas, des coups de feu par centaines et des méchants bien méchants et des gentils tout gentils. Non, car, quelque part, Polisse est au-delà de ces simples querelles de clocher qui, à force, peuvent lasser le simple quidam ; quoique, pour être objectif, nier que Polisse est une œuvre d’auteur serait lui enlever une part de sa substance, de ce qu’il est véritablement. Mais ici, attention car quelque part, l’œuvre de Maïwenn est presque aussi éloignée des films policiers français que ceux-ci le sont de leurs homologues US.

En effet, ce qui choque tout d’abord dans Polisse, et c’est ce qui a pu déplaire à bon nombre des détracteurs de ce film, c’est que l’on se croirait presque dans un documentaire ; ici, et cela est surtout flagrant dans la première partie du film, les scènes et les situations s’enchainent les unes aux autres, sans véritable fil conducteur – celui-ci n’apparaissant qu’au fil de l’intrigue, lorsque le spectateur est déjà familiariser avec les nombreux protagonistes et que quelques liens, comme l’histoire d’amour entre la photographe – jouée par Maïwenn – et Fred – notre Joey Starr national – par exemple font leurs apparitions ; mais ceux-ci étant également nombreux, et les divers « affaires » se succédant les unes aux autres, tout cela a dut en refroidir plus d’un tellement cette réalisation est aux antipodes de ce que l’on a l’habitude de voir au cinéma. Car dans Polisse, que l’on ne se trompe pas, pas d’affaire principale, pas de réseau pédophile a démanteler, pas de criminels à arrêter, non, à la place, tout juste la vie d’hommes et de femmes qui font leur boulot, franchement pas simple, et des affaires qui se succèdent les unes aux autres, toutes plus terribles les unes que les autres, et, accessoirement, assez variées. Et là, nous arrivons au second point qui en a refroidi plus d’un : l’extrême violence du film. Pas de violence physique au sens premier du mot, comme on l’entend d’habitude, non, plutôt une violence crue, terrible car touchant des enfants, souvent victimes de viols, de la part de proches ou d’autres, rien n’étant, a aucun moment, caché : dans Polisse, et comme on pourrait le voir dans un banal documentaire, on appelle un chat un chat, même si cela déplait à certains, même si cela peut être terrible… car finalement, ne nous leurrons pas, la réalité, aussi terrible soit-elle à admettre, c’est cela. Et, sincèrement, cela fait froid dans le dos.


Mais ce qui sublime ce film, avouons-le, c’est le formidable casting de celui-ci. En effet, jugez du peu : entre Karin Viard, JoeyStarr, Marina Foïs, Nicolas Duvauchelle, Emmanuelle Bercot, Frédéric Pierrot, Naidra Ayadi, Sandrine Kiberlain, Anthony Delon (eh oui !), Audrey Lamy, Alain Attal et, bien entendu, Maïwenn, force est de constater que, non seulement, celui-ci est imposant (et encore, j’ai fait court), mais qu’en plus, entre talents confirmés, vieux loups et vedettes en devenir, tous ces acteurs et actrices, engagés, impliqués comme rarement, insufflent au film une force peu commune, et, du plus petit rôle au têtes d’affiches, chaque visage, chaque intervention marquent les esprits. Et si, bien entendu, pour la plus part des acteurs et actrices citées précédemment, je ne me suis pas étonner de les voir fidèles à eux-mêmes, force est de constater que je ne pouvais pas écrire une critique de Polisse sans m’attarder sur la figure marquante de celui-ci : le si décrié JoeyStarr. Bon, franchement, là où certains de ses nombreux détracteurs n’y ont vu que la confirmation de ce qu’ils pensaient déjà à son sujet – pas grand-chose de bien, je leur laisse seuls juges de leurs opinions – personnellement, j’ai été bluffé par l’ex Co leader de NTM. Oui, JoeyStarr n’est jamais aussi bon que lorsqu’il gueule, qu’il pète une durite, comme cela arrive dans le film, mais à côté de ça, dans le cas présent, ce que j’ai surtout retenu de sa prestation, ce furent les scènes plus intimistes qui collaient si bien à cet éternel écorché à vif : la plus flagrante étant celle de la séparation, forcée, d’un enfant et sa mère, tout bonnement terrible. Je connais JoeyStarr depuis les tous débuts de NTM (j’avais même la K7 de Authentik, à l’époque, le rap avait tout de même une certaine classe) et franchement, si on m’avait dit qu’un jour, celui-ci me toucherait au point que j’étais à deux doigts de verser une petite larme, et ben, comment dire, je pense que j’aurais tout bonnement explosé de rire ! Comme quoi, tout arrive, et c’est parfois tant mieux.


Indéniablement, et même s’il n’est pas exempt de défauts (mais quelque part, des défauts, on pourrait en trouver partout, y compris dans les plus grands chefs d’œuvres), Polisse est tout bonnement l’un des meilleurs films français de l’année 2011, partageant le haut de l’affiche avec, bien entendu, The Artist, multi primé un peu partout à l’étranger – et que j’aimerais bien voir pour voir ce qu’il vaut – mais aussi, ne l’oublions pas, Intouchables, véritable raz de marée en France l’année dernière, et dont je vous avais proposer la critique il y a quelques mois sur ce même blog. Trois films assez différents, aux sujets variés et touchant parfois un public assez large et n’ayant pas grand-chose en commun, mais trois films, trois œuvres qui viennent nous démontrer deux choses : tout d’abord, que le cinéma français se porte plutôt bien quand on y pense, mais aussi, et The Artist est là pour le prouver, que celui-ci n’a, parfois, franchement rien à prouver à l’américain. D’ailleurs, sur ce point, je pense qu’à un moment donné, il serait peut-être bon que nous autres, le public, arrêtions avec cette manie ridicule de critiquer le cinéma français (ou européen en général) pour ne s’extasier que devant moult daubes à grand spectacle. Nous aussi nous savons faire de bons, de très bons films, et je pense qu’il est bon de le rappeler de temps en temps. Plus particulièrement après s’en être rappeler suite au visionnage de cet excellent long métrage qu’est The Polisse

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