LE GROOM VERT-DE-GRIS
Nous sommes en 1942. La Belgique
est occupée par l'envahisseur nazi qui contrôle le rationnement et prive le
pays de ses libertés. Spirou travaille au Moustic Hôtel, mais celui-ci a été
réquisitionné par l'armée allemande qui l'oblige à revêtir un costume de groom
aux couleurs nazies. À quelques minutes du couvre-feu et alors que le jeune
héros rentre chez lui, il tombe nez à nez avec une affiche incitant les jeunes
à rejoindre la légion Wallonie, une unité militaire qui combat aux côtés des
nazis. C'en est trop pour lui, qui doit déjà les supporter à longueur de
journées à l'hôtel. Il sort un feutre et écrit sur l'affiche un « mort aux boches » très éloquent…
lorsqu'il est surpris par un militaire. Il se retourne et découvre qu'il s'agit
de Fantasio, qui lui fait une blague. Ce dernier lui présente sa nouvelle
invention, le fantaérosol qui permet de peindre de manière très précise. Une
petite démonstration s'impose et Fantasio écrit à son tour un « mort aux boches » qui recouvre tout le
mur… lorsqu’une vraie patrouille arrive dans leur direction ! Or, l'acolyte de
Spirou n'arrive plus à arrêter sa machine et les deux héros se font repérer. Le
groom prend la machine de son ami et la jette au sol en direction des nazis.
L'explosion qui s’ensuit leur permet de s'enfuir. Mais ils n'ont pas le temps
d'aller très loin qu'une autre patrouille les contrôle et les embarque.
Heureusement, Spirou sort son document prouvant qu'il travaille comme groom au
siège de la Geheime Staatspolizei et l'armée les laisse reprendre leur route...
Le Groom vert-de-gris
Scénario : Yann
Dessins : Olivier
Schwartz
Couleurs : Laurence
Croix
Genre : Aventure,
Action, Fantastique, Etrange, Humour
Editeur : Dupuis
Pays d’origine : France
Langue
d’origine : français
Parution : 07
mai 2009
Nombre de pages : 64
Mon
avis : Il aura fallu attendre d’avoir presque
35 ans pour que, pour la toute première fois de ma vie, je lise un album de Spirou, une œuvre pourtant fort connue
et vieille de plusieurs décennies mais qui, jusque-là, ne m’avait jamais
intéressé. Cependant, lancée en 2006 par les éditions Dupuis, la
série Une aventure de Spirou et Fantasio par... permet à
divers auteurs de réaliser un one shot, chacun donnant sa vision particulière
du monde de Spirou, ce Groom vert-de-gris étant le cinquième
tome de ces aventures modernes de ce personnage on ne peut plus culte sous nos
vertes contrées. Une œuvre qui avait fait pas mal parler d’elle avant sa sortie
et que j’attendais avec impatience, ne serait-ce que par curiosité. Et, ma foi,
mon attente fut à la hauteur de mes espérances puisque cette BD dont l’intrigue
se déroule sous l’occupation allemande, est un véritable bijou que tout amateur
de bande dessinée se doit de posséder, ou à défaut, de lire au moins une fois
dans sa vie. Découvrir un personnage, aussi «
naïf » (pas dans le genre péjoratif) que Tintin, plongé en pleine guerre
mondiale, mêlé à un réseau de résistance, et etre confronter aux horreurs de
son époque, cela fait un bien fou et nous change un peu de nos vieilles
habitudes. Le Groom vert de gris est une réussite
incontestable, où les personnages principaux, sans perdre leur humour et leurs
traits de caractères, vivent une «
aventure » bien plus sombre, où le danger et la mort sont bel et bien
présents, où les considérations politiques ne sont pas occultées, de même que
le sexe (et oui, ce sont des hommes, inutile de sombrer dans une parodie X
comme Le mariage de Tintin pour s’en rendre compte). Un
univers plus sombre, donc, que l’habituel, où certes Spirou est résistant et
Fantasio cache des pilotes alliés chez lui, mais où chacun croit que l’autre
n’est plus qu’un vulgaire collabo. Une collaboration non occultée d’ailleurs,
comme le marché noir (avec un clin d’œil amusant à La traversée de
Paris) et la déportation. Et si les nazis sont, bien évidemment, la cible
des auteurs, comme leurs sympathisants, tout n’est pas rose au royaume paisible
de Belgique et la tonte des femmes coupables d’avoir couché avec l’ennemi ou le
mépris des habitants pour le sort des juifs est mis en avant, laissant un
certain malaise planer, remettant en cause une certaine légende dorée de
l’époque, valable pour la Belgique mais également pour la France. Et, tandis
que le lecteur dévorera avidement cette BD bien plus adulte que l’on pourrait
le croire, les amateurs s’amuseront à chercher les milles et une références et
divers hommages des auteurs à Tintin
(quel plaisir de revoir le terrible Docteur Muller), en majorité, et à d’autres
héros de l’époque ou à des films bien connus. D’ailleurs, ceux-ci sont tellement
nombreux qu’ils justifient à eux seuls une relecture attentive afin de ne
passer à coter d’aucun d’eux. Et, personnellement, ces hommages n’ont fait que
renforcer l’opinion plus que positive que j’ai de ce Groom vert de gris.
Un véritable bijou que je vous disais. Si, comme vous pouvez le constater, j’ai
apprécié au plus haut point cette aventure «
moderne » de Spirou, il est
incontestable qu’une telle œuvre remet en cause l’idée comme quoi l’on ne
devrait pas toucher certaines icônes sacrées suite au décès de leurs auteurs.
Certes, pour cela, il faut que la qualité soit au rendez-vous, ce qui est le
cas ici, mais ce qui est loin d’être assuré en d’autres occasions,
malheureusement. Mais, l’on voit bien qu’avec des auteurs inspirés et
respectueux, l’on peut avoir de très bonnes surprises et que bon nombre
d’autres séries (qui a dit Tintin ?),
mériteraient peut être un petit dépoussiérage. Le Groom vert de gris nous
prouve que cela ne serait pas forcement une hérésie.
Points Positifs :
- Une version moderne des aventures
de Spirou et Fantasio qui place nos
héros dans une période sombre de notre Histoire, la Seconde Guerre Mondiale, et
ici, plus précisément, l’occupation de la Belgique par les troupes allemandes. On
sent l’important travail des auteurs qui maitrisent parfaitement leur sujet, y
compris, bien entendu, historique.
- De très nombreuses références à
d’autres œuvres contemporaines comme Tintin,
bien entendu, mais aussi, Blake et
Mortimer, et même un fort sympathique clin d’œil à La traversée de Paris.
- Excellents dessins d’Olivier
Schwartz qui s’inspire fortement des albums d’après-guerre, ce qui apporte une
petite touche datée du plus bel effet.
- Des personnages plus adultes,
plus fouillés ; bien entendu, le synopsis y est pour beaucoup mais cela
fait plaisir de sortir un peu des sentiers battus.
- Un humour néanmoins présent.
- Mine de rien, l’intrigue est pas
mal et il ne faudrait pas l’oublier…
- Œuvre moins manichéenne qu’il n’y
parait de prime abord : les nazis sont bien entendus les grands méchants
de l’histoire mais certains comportements contestables de la résistance belge
ne sont pas occultés (tonte des femmes) quant au sort des juifs, on montre bien
à quel point la population s’en moquait comme de sa première chemise.
Points Négatifs :
- Les deux premiers tiers de
l’histoire sont quasiment parfaits, par contre, une fois arrivé à ce point de
l’intrigue, la fin est un peu plus poussive ; dommage, on n’était pas loin
de la perfection.
- Hum, il faudrait etre un expert
en bande dessinée franco-belge pour reconnaitre et apprécier à sa juste valeur
toutes les références qui jalonnent l’album, et elles sont nombreuses, très
nombreuses même !
- Euh, Spirou est un résistant, il
est arrêté par les allemands et il n’est pas fusillé sur place ? Pas très
crédible ce passage…
Ma note : 8/10
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