LA TRILOGIE DU MINOTAURE
L’île de Crète abrite en son sein
une vaste forêt interdite aux Hommes. Dans cet océan d’arbres millénaires et de
collines verdoyantes vivent en bonne intelligence ceux qu’on nomme les Bêtes :
les Centaures et leur sens inné de la fête, les Dryades inséparables de leur
arbre, les Panisci aux pieds fourchus, les insatiables Thriæ… Mais à cause de
la cupidité de l’envahisseur achéen, le paradis est voué à disparaître. Et
tandis que les Centaures périssent sous le glaive, Eunostos le poète, le
dernier des Minotaures, compose l’élégie qui célébrera la fin du monde.
La première constatation qui s’impose
au sujet de mon séjour en Vendée, c’est que j’aurais lu pas mal de romans cette
année ; certes, les vacances sont toujours propices à ce genre de choses,
vu que j’ai bien plus de temps libre à consacrer à la lecture (et les années
précédentes sont là pour le prouver), mais cet été, j’aurais fait plus fort que
d’habitude. Œuvres plus courtes que les autres années ? Il y a de cela,
mais pas uniquement. Le second constat, c’est que comme en 2012 (voir Les
vaisseaux du temps et Evolution),
j’aurais profité de ces congés pour me replonger dans la relecture de romans
lus il y a quelques années (oui, comme je le laissais sous-entendre lors de la
critique de World War Z,
La Tour sombre, ça sera effectivement
pour plus tard), mais cette fois ci, ces romans n’avaient jamais eu droit de
citer sur ce blog puisque leurs lectures avaient eu lieu bien avant la création
du Journal de Feanor ; et comme cela faisait un certain temps que je
souhaitais vous en parler (surtout que certains méritaient vraiment que je m’y
replonge), décision fut prise de profiter de mes vacances pour le faire avec
donc, en tête d’affiche, le plus intéressant du lot (sans contestations possibles),
La trilogie du Minotaure.
Ma première lecture de cette Trilogie du Minotaure remonte à un bon
paquet d’années, fort probablement huit ou neuf ans environ, et comme celle-ci m’avait
laissé une fort bonne impression à l’époque, cela faisait un certain temps que
je m’étais dit qu’il faudrait que, tôt ou tard, je me replonge dans la lecture
de cette œuvre. Ajoutez à cela le fait que, par la force des choses, celui-ci n’avait
pas sa critique sur ce blog et vous comprendrez à quel point l’envie de relire
cet ouvrage puis de vous en parler était pressante ; mais bon, le temps
passa, d’autres romans eurent ma priorité et ce ne fut donc qu’en ce mois de
juillet que, finalement, je me replongeais dans les aventures d’Eunostos, le
dernier Minotaure. Bien évidemment, tout le monde sait parfaitement ce qu’est
un Minotaure : créature mythique moitié homme moitié taureau, celui-ci,
qui vivait dans le Labyrinthe créer par Dédalle sur l’ile de Crète, fut vaincu
par Thésée, qui s’aida pour cela du fameux fil d’Ariane. Mais si le Minotaure
mythologique était une créature bestiale, ici, nous avons plutôt à faire a un
etre intelligent, sensible, qui certes aime courir les filles (enfin, plutôt les
dryades), mais qui possède un cœur d’or et une âme de poète. Bref, un Minotaure
(ou plutôt deux car dans la première nouvelle, il y en a un second, Cloches d’Argent,
l’oncle du premier, encore plus réussis qu’Eunostos selon moi) aux antipodes de
l’image que nous avons de cette créature – par la légende grecque, bien évidemment,
mais également par le biais des jeux de rôles a la D&D et des jeux vidéo. Un Minotaure bigrement original, inattendu,
mais également un univers qui ne l’est pas moins : le postulat de base de
cette trilogie démarrait donc plutôt bien.
Et force est de constater que la
suite est conforme à nos espérances : œuvre d’un auteur pour le moins
méconnu sous nos vertes contrées, Thomas Burnett Swann, décédé jeune dans les
années 70 et mal aimé dans son pays d’origine, les Etats-Unis, car jugé trop
conservateur, à l’égard des canons de la Fantasy à l’époque, cette Trilogie du Minotaure est composé en
fait de trois courts romans (ou longues nouvelles) qui sont, dans l’ordre, Le Labyrinthe du Minotaure (1977 et
publié à titre posthume), La Forêt du
Minotaure (1971) et Le Jour du
Minotaure (1966). Thomas Burnett Swann, comme il en avait souvent l’habitude,
avait donc commencé par ce dernier, avant de, au fil des ans, revenir les
aventures d’Eunostos en publiant deux préquelle, l’ordre de celles-ci étant,
dans la version française, inversée quant à leurs parutions mais chronologique
quant aux péripéties d’Eunostos et ses compagnons. Du coup, lorsque l’on se
lance dans la lecture de cette Trilogie
du Minotaure, force est de constater que l’on débute donc par le roman le
plus récent, mais également et surtout le plus réussis et le mieux écrits, du
moins, c’est mon avis, et que même si les deux autres ne déméritent pas, a
aucun moment ils n’atteignent le niveau du Labyrinthe
du Minotaure, véritable petit bijou tragique que nous offre Swann et qui
mérite vraiment le détour – bon, certes, j’insiste vraiment sur ce premier mais
les autres sont excellents également, disons que je les trouve inférieurs, c’est
tout. Le problème, car problème il y a, c’est que, pris par une créativité de
tous les instants, et surtout par le fait que la maladie ne lui laissait plus
beaucoup de temps, Thomas Burnett Swann n’a jamais eu le temps de revenir sur
son œuvre et de corriger les nombreuses boulettes scénaristiques qui parsèment
les trois nouvelles de cette trilogie : ainsi, ne vous étonnez pas si
Cloches d’Argent n’a plus droit de citer dans les textes plus anciens et autres
incohérences du même genre. C’est dommage, c’est même par moments fort regrettable
(car on ne peut s’empêcher de se demander ce qu’aurait donné un ensemble
cohérent), mais bon, vu que la maladie puis la mort aura fauché l’auteur sans
lui laisser le temps de régler tous ses problèmes, on peut, du coup,
parfaitement les comprendre…
Surtout que si ceux-ci sont par
moments gênants, dans l’ensemble, il faut tout de même reconnaitre que nous
avons là un fort bon roman : de par son univers, cette Crète mythique où
cohabitent bien malgré eux humains et bêtes, ces protagonistes hauts en
couleurs, Eunostos, Cloches d’Argent, Zoé la Dryade, les Centaures et les
humains, cette ambiance « fin du
monde » qui plane tout au long des récits, car oui, tout cela ne peut
pas bien finir pour ce monde des bêtes, bien trop naïf et gentillet en opposition
à celui des hommes, bien plus brutal et sans pitié, Thomas Burnett Swann nous
offre une œuvre tout bonnement excellente, qui certes, par la force des choses,
possède ses défauts, mais qui n’en reste pas moins excellente et mérite d’etre
découverte par les amateurs de Fantasy qui, pour une fois, quitteront les
canons du genre, maintes et maintes fois utilisés, pour une antiquité perdue
qui n’en possède pas moins son intérêt. Et puis, rien que pour le plaisir de
suivre les aventures d’un Minotaure tellement différent de l’image que l’on a
de lui, je pense que le jeu en vaut la chandelle.
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