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dimanche 8 janvier 2012

L’ETOFFE DES LEGENDES : L’OBSCUR



L’ETOFFE DES LEGENDES : L’OBSCUR

1944, Brooklyn. Un enfant est kidnappé par le croquemitaine qui l'emmène dans un royaume mystérieux nommé l'Obscur. Conscients de cette disparition, les jouets du jeune garçon décident alors de partir pour ce monde inconnu afin de sauver leur petit maître. À leur arrivée, ils se trouvent réincarnés dans leur propre personnage beaucoup plus réaliste : l'ours en peluche devient un animal féroce, le soldat de plomb un as de la stratégie militaire, le bouffon dans sa boîte un acrobate maniant parfaitement la hache… Sous ces nouvelles apparences, ils se lancent dans un combat éperdu contre les armées du croquemitaine.

On a souvent tendance à l’oublier mais les comics, c’est-à-dire, la bande dessinée nord-américaine, ce n’est pas uniquement des histoires sans fin où des types en costumes en latex et masqués comme s’ils partaient boire un coup Chez Moustache, se tapent dessus à longueur de journées et où, années après années, il ne se passe jamais rien de bien transcendant – en gros, à chaque nouvelle évolution de l’histoire suit un fantastique bond en arrière éditorial sensé rassuré le fan de base. Non, les comics, c’est aussi autre chose, des hommes et des femmes qui osent sortir des sentiers battus, qui font éclater les carcans tellement réducteurs qui étouffent près de 90% de la production et qui savent prendre des risques. Certes, pour la plupart de ces courageux qui mériteraient presque qu’on leur dresse une statue, l’échec sera souvent au rendez-vous, et, comme il faut bien vivre, tôt ou tard, bon nombre d’entre eux devront se contenter de réaliser un boulot alimentaire du côté de chez Marvel ou DC, les deux ogres superhéroiques US. Mais heureusement pour ceux qui cherchent autre chose que l’énième mort de Magnéto ou le crosover de la mort qui tue qui, deux mois après, n’aura servi à rien puisque tout sera comme avant, certains parviennent néanmoins à produire des œuvres marquantes, originales, qui sortent de la masse et qui valent véritablement le coup – artistes et auteurs majeurs qui peuvent se le permettre ou petits nouveaux qui nous pondent le truc de l’année, ce sont ces hommes, et ces femmes, vers lesquels je me tourne uniquement pour ce qui est des comics. Certes, ce préambule pourra paraitre sévère et il se pourrait que bon nombre d’entre vous m’insultent copieusement pour m’en être pris aussi violement à un genre, le superhéroique, qui n’a plus grâce à mes yeux depuis longtemps ; pourtant, comme beaucoup, il fut un temps où j’étais un fan parmi d’autres, et je ne nie pas que parfois, certains titres vaillent le coup, mais le temps qui passe et qui n’arrange rien, cette impression, que dis-je, cette certitude de lire et relire sans cesse les mêmes histoires, cette non évolution flagrante des intrigues, ces morts qui n’en sont jamais, ces vieilles ficelles maintes fois utilisées et bien d’autres défauts font que, à force, j’éprouve un rejet monumental pour les productions Marvel et DC, du moins, pour leurs titres phares ; inutile de les nommer. Mais heureusement, comme je vous l’ai dit, il y autre chose.


J’ai découvert L’étoffe des légendes, comme souvent, par le plus grand des hasards, alors que j’effectuais une recherche, il y a de cela quelques semaines, sur une autre bande dessinée (qu’accessoirement, je n’achèterais jamais) et, immédiatement, au vu du synopsis et des quelques cases proposées sur un site consacré à la bande dessinée, je me suis dit que cette œuvre ne pouvait que me plaire et me suis donc empressé de me la procurer. Par manque de temps, je n’ai pas eu l’occasion de m’y attaquer tout de suite (il fallait que j’en finisse avec Millénaire avant, entre autres…) ce qui fait que 2011 c’est gentiment achevée tandis que mon album patientait tranquillement, posé dans le tas de bouquins en attente dans ma bibliothèque. Mais aujourd’hui, finalement, ayant quelques heures devant moi, je me suis confortablement installer dans le meilleur endroit qui existe au monde pour lire – c’est-à-dire, mon lit – et me suis plongé dans ce qui allait être une aventure peu commune, ou presque.


Ce qui marque, tout d’abord, c’est le format de cet album : peu commun, presque un carré, ce n’est pas ce que je préfère, question de rangement oblige (oui, je suis un horrible et incorrigible maniaque du rangement, tout droit être droit, classer, nickel… hum, ais-je des origines prussiennes ?) mais ceci n’est qu’un détail mineur pour juger une œuvre car ce qui compte, c’est bien évidement le contenu, et la, attention, c’est du tout bon ! Toutes les planches sont couleur sépia – l’une de mes préférée, ça tombe bien – un choix qui colle terriblement bien a L’étoffe des légendes et qui renforce l’impression de plonger le lecteur plus profondément dans le passé où se déroule l’intrigue – les années 40, en plein conflit mondial et ce, même si le noir et blanc aurait plus convenu si l’on voulait être logique. Mais peu importe la logique tant le sépia colle si bien à cette BD. Aux manettes, ou plutôt, devrais-je dire, aux pinceaux, un certain  Charles Paul Wilson troisième du nom, qui est peut-être un illustre inconnu pour moi, mais qui n’en possède pas moins un agréable coup de crayon qui sublime cet univers si particulier et ses protagonistes qui méritent amplement le détour. Mais au fait, qui sont-ils ? Et ben, des jouets, tout bonnement, des jouets qui, afin de sauver leur « maitre », un enfant enlevé par le terrifiant Croquemitaine, décident de partir dans le royaume de celui-ci, le fameux Obscur – qui a donner le titre a ce premier tome de la saga – et qui là, vont se transformer de manière radicale : l’ours, le doudou, une simple peluche, devient une machine à tuer, le soldat de plomb, un combattant héroïque de la Grande guerre, le canard en bois, un canard heureux de possèdes de vraies ailes, la tirelire… et ben, un cochon. Et cette transformation, ce passage entre un univers familier et réel (oui bon, en partant du principe que les jouets possèdent une conscience, mais après tout, on a déjà vu pire exagération) et finalement gentillet (quoi que, c’est la seconde guerre mondiale tout de même), et, de l’autre côté du miroir, cet univers, l’Obscur, royaume de l’épouvantable Croquemitaine, fonctionne à merveille et est l’une des grandes forces de cette œuvre : il est amusant de, tel un Toy’s Story dark, voir s’animer ses jouets, les voir prendre vie, agir en conformité tel que les voyait leur enfant, et partir à la rescousse de celui-ci, affrontant mille et un dangers, le plus souvent mortels par ailleurs. Car que l’on ne s’y trompe pas, L’étoffe des légendes n’est pas une BD pour les plus jeunes d’entre nous, au contraire : Mike Raicht et Brian Smith ont su créer une œuvre bien plus adulte que l’on pourrait le penser de prime abord et certainement plus profonde que les illustrations pourraient le laisser croire.


Forcément, nous n’en sommes là qu’au tout premier tome de cette série somme toute récente – aux USA, seul deux volumes sont parus jusque là – et il faudra probablement voir sur le long terme pour pouvoir juger cette Étoffe des héros à sa juste valeur. Mais quoi qu’il en soit, pour un début, cette espèce de fable onirique fonctionne à merveille et promet énormément ; tant par son univers, assez sombre et violent, ses personnages assez variés et dont certains – je pense surtout au cochon – me semblent posséder un potentiel certain, de même, pour les réflexions que cette BD peut entrainer – la vie et la mort, le courage, la lâcheté etc. – ce premier volume de L’étoffe des légendes est à découvrir de toute urgences, en espérant, bien entendu, que la suite soit à la hauteur de nos attentes. 

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