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jeudi 15 août 2013

LA TRILOGIE DU MINOTAURE


LA TRILOGIE DU MINOTAURE

L’île de Crète abrite en son sein une vaste forêt interdite aux Hommes. Dans cet océan d’arbres millénaires et de collines verdoyantes vivent en bonne intelligence ceux qu’on nomme les Bêtes : les Centaures et leur sens inné de la fête, les Dryades inséparables de leur arbre, les Panisci aux pieds fourchus, les insatiables Thriæ… Mais à cause de la cupidité de l’envahisseur achéen, le paradis est voué à disparaître. Et tandis que les Centaures périssent sous le glaive, Eunostos le poète, le dernier des Minotaures, compose l’élégie qui célébrera la fin du monde.

La première constatation qui s’impose au sujet de mon séjour en Vendée, c’est que j’aurais lu pas mal de romans cette année ; certes, les vacances sont toujours propices à ce genre de choses, vu que j’ai bien plus de temps libre à consacrer à la lecture (et les années précédentes sont là pour le prouver), mais cet été, j’aurais fait plus fort que d’habitude. Œuvres plus courtes que les autres années ? Il y a de cela, mais pas uniquement. Le second constat, c’est que comme en 2012 (voir Les vaisseaux du temps et Evolution), j’aurais profité de ces congés pour me replonger dans la relecture de romans lus il y a quelques années (oui, comme je le laissais sous-entendre lors de la critique de World War Z, La Tour sombre, ça sera effectivement pour plus tard), mais cette fois ci, ces romans n’avaient jamais eu droit de citer sur ce blog puisque leurs lectures avaient eu lieu bien avant la création du Journal de Feanor ; et comme cela faisait un certain temps que je souhaitais vous en parler (surtout que certains méritaient vraiment que je m’y replonge), décision fut prise de profiter de mes vacances pour le faire avec donc, en tête d’affiche, le plus intéressant du lot (sans contestations possibles), La trilogie du Minotaure.

Ma première lecture de cette Trilogie du Minotaure remonte à un bon paquet d’années, fort probablement huit ou neuf ans environ, et comme celle-ci m’avait laissé une fort bonne impression à l’époque, cela faisait un certain temps que je m’étais dit qu’il faudrait que, tôt ou tard, je me replonge dans la lecture de cette œuvre. Ajoutez à cela le fait que, par la force des choses, celui-ci n’avait pas sa critique sur ce blog et vous comprendrez à quel point l’envie de relire cet ouvrage puis de vous en parler était pressante ; mais bon, le temps passa, d’autres romans eurent ma priorité et ce ne fut donc qu’en ce mois de juillet que, finalement, je me replongeais dans les aventures d’Eunostos, le dernier Minotaure. Bien évidemment, tout le monde sait parfaitement ce qu’est un Minotaure : créature mythique moitié homme moitié taureau, celui-ci, qui vivait dans le Labyrinthe créer par Dédalle sur l’ile de Crète, fut vaincu par Thésée, qui s’aida pour cela du fameux fil d’Ariane. Mais si le Minotaure mythologique était une créature bestiale, ici, nous avons plutôt à faire a un etre intelligent, sensible, qui certes aime courir les filles (enfin, plutôt les dryades), mais qui possède un cœur d’or et une âme de poète. Bref, un Minotaure (ou plutôt deux car dans la première nouvelle, il y en a un second, Cloches d’Argent, l’oncle du premier, encore plus réussis qu’Eunostos selon moi) aux antipodes de l’image que nous avons de cette créature – par la légende grecque, bien évidemment, mais également par le biais des jeux de rôles a la D&D et des jeux vidéo. Un Minotaure bigrement original, inattendu, mais également un univers qui ne l’est pas moins : le postulat de base de cette trilogie démarrait donc plutôt bien.

Et force est de constater que la suite est conforme à nos espérances : œuvre d’un auteur pour le moins méconnu sous nos vertes contrées, Thomas Burnett Swann, décédé jeune dans les années 70 et mal aimé dans son pays d’origine, les Etats-Unis, car jugé trop conservateur, à l’égard des canons de la Fantasy à l’époque, cette Trilogie du Minotaure est composé en fait de trois courts romans (ou longues nouvelles) qui sont, dans l’ordre, Le Labyrinthe du Minotaure (1977 et publié à titre posthume), La Forêt du Minotaure (1971) et Le Jour du Minotaure (1966). Thomas Burnett Swann, comme il en avait souvent l’habitude, avait donc commencé par ce dernier, avant de, au fil des ans, revenir les aventures d’Eunostos en publiant deux préquelle, l’ordre de celles-ci étant, dans la version française, inversée quant à leurs parutions mais chronologique quant aux péripéties d’Eunostos et ses compagnons. Du coup, lorsque l’on se lance dans la lecture de cette Trilogie du Minotaure, force est de constater que l’on débute donc par le roman le plus récent, mais également et surtout le plus réussis et le mieux écrits, du moins, c’est mon avis, et que même si les deux autres ne déméritent pas, a aucun moment ils n’atteignent le niveau du Labyrinthe du Minotaure, véritable petit bijou tragique que nous offre Swann et qui mérite vraiment le détour – bon, certes, j’insiste vraiment sur ce premier mais les autres sont excellents également, disons que je les trouve inférieurs, c’est tout. Le problème, car problème il y a, c’est que, pris par une créativité de tous les instants, et surtout par le fait que la maladie ne lui laissait plus beaucoup de temps, Thomas Burnett Swann n’a jamais eu le temps de revenir sur son œuvre et de corriger les nombreuses boulettes scénaristiques qui parsèment les trois nouvelles de cette trilogie : ainsi, ne vous étonnez pas si Cloches d’Argent n’a plus droit de citer dans les textes plus anciens et autres incohérences du même genre. C’est dommage, c’est même par moments fort regrettable (car on ne peut s’empêcher de se demander ce qu’aurait donné un ensemble cohérent), mais bon, vu que la maladie puis la mort aura fauché l’auteur sans lui laisser le temps de régler tous ses problèmes, on peut, du coup, parfaitement les comprendre…


Surtout que si ceux-ci sont par moments gênants, dans l’ensemble, il faut tout de même reconnaitre que nous avons là un fort bon roman : de par son univers, cette Crète mythique où cohabitent bien malgré eux humains et bêtes, ces protagonistes hauts en couleurs, Eunostos, Cloches d’Argent, Zoé la Dryade, les Centaures et les humains, cette ambiance « fin du monde » qui plane tout au long des récits, car oui, tout cela ne peut pas bien finir pour ce monde des bêtes, bien trop naïf et gentillet en opposition à celui des hommes, bien plus brutal et sans pitié, Thomas Burnett Swann nous offre une œuvre tout bonnement excellente, qui certes, par la force des choses, possède ses défauts, mais qui n’en reste pas moins excellente et mérite d’etre découverte par les amateurs de Fantasy qui, pour une fois, quitteront les canons du genre, maintes et maintes fois utilisés, pour une antiquité perdue qui n’en possède pas moins son intérêt. Et puis, rien que pour le plaisir de suivre les aventures d’un Minotaure tellement différent de l’image que l’on a de lui, je pense que le jeu en vaut la chandelle. 

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