LA
PLANÈTE SAUVAGE
Sur
la planète Ygam vivent les Draags, une espèce d'humanoïdes mesurant douze
mètres de haut. Ils ont atteint les plus hauts sommets de la connaissance. Leur
existence s’écoule lentement, toute entière tournée vers la méditation. Les enfants
des Draags raffolent de minuscules animaux familiers, les Oms, ramenés d'une
lointaine planète dévastée, Terra. Peu de Draags envisagent les Oms comme des
créatures intelligentes, même s’ils sont doués d'une faculté d’adaptation
certaine. Certains Draags considèrent même cette espèce comme nuisible, car si
les Oms de luxe font la joie des petits, les spécimens qui s’échappent et
retournent à l’état sauvage tendent à proliférer dans les parcs et endommagent
les installations des Draags.
Avant
de rentrer dans le vif du sujet, c’est-à-dire, la critique à proprement parler
de La Planète sauvage, film
d’animation de science-fiction de René Laloux et Roland Topor et qui fête cette
année son quarantième anniversaire, je tennais à m’attarder un peu sur mon histoire
personnelle vis-à-vis de cette œuvre, car, il me semble, le sentiment que j’ai
ressenti à son encontre pendant des années est symptomatique de ce qui m’arrive
un peu trop souvent à mon gout : juger une œuvre sur une première
impression (la plupart du temps, remontant à ma plus tendre enfance), et
persister coute que coute dans ce jugement, sans aucune volonté de lui donner
une seconde chance. Le contraire, bien entendu, est valable également ;
après tout, combien de films, par exemple, trouvions nous géniaux enfants et
s’avèrent ridicules quand on les revoit une fois devenus adultes. Mais dans le
cas qui nous préoccupe aujourd’hui, disons que La Planète sauvage est un cas d’école typique. Forcément, tous ceux
qui connaissent cette œuvre – qu’ils l’aient vu ou, du moins, qu’ils sachent de
quoi il en retourne – peuvent imaginer
comment un enfant de six ou sept ans peut l’apprécier à sa juste valeur ?
Car ce fut sensiblement à cet âge que j’ai, pour la première et unique fois de
ma vie, regarder cette fameuse Planète
sauvage présenté, lors de sa diffusion sur le petit écran au début des
années 80, comme une pure merveille, le chef d’œuvre du cinéma d’animation français.
Bien évidemment, ayant à cette époque d’autres préoccupations, d’autres gouts,
et surtout, un vécu qui n’est pas celui d’aujourd’hui, le visionnage de ce film
me laissa dans un état de perplexité total, voire pire, me dégouta a un point
que… trois décennies s’écoulèrent !
Car
oui, pendant environ trente ans, j’en étais resté à mon ressenti d’alors,
estimant que, comme cette « chose »
était française, qu’il en avait été fait des tonnes à son sujet, que
franchement, c’était à mille lieux de véritables dessins animés de qualité et
que cette Planète sauvage et ses
animations sous LSD tenaient davantage du délire pseudo-intellectuel bien de
chez nous qu’autre chose… Et le temps passa, passa, les années d’abord, puis
les décennies, sans que je ne daigne retenter l’expérience – oh, certes, cela
n’aura pas marché dans les années 90, et peut etre pas au début des années
2000, mais ensuite… que de temps perdu. Et puis, curieusement, il y a quelques
semaines, j’avais lu un court article sur ce film et, alors que je l’avais
presque oublié – mais l’on n’oublie jamais totalement La Planète sauvage, ne serais-ce que pour ses dessins – j’eu la
curieuse envie de le revoir, de découvrir, avec un regard plus mur et
expérimenté, si, finalement, cette œuvre ne méritait pas que je lui donne une
seconde chance, et puis, autre coïncidence, quelques temps après, dans ma
médiathèque, alors que je ne le cherchais même pas, alors que je ne comptais
même pas emprunter un quelconque film, en passant à côté du rayon DVD, je suis
tombé sur… mais arriver à ce point de mon histoire, je pense que vous avez
compris et qu’il est inutile de perdre davantage de temps.
Têtu
que je suis, et que je serais probablement a jamais, je dois avouer que je
n’attendais strictement rien de ce second visionnage, trente ans après, de La Planète sauvage, pourtant, au bout de
quelques minutes de film, je dut constater, un peu surpris, que finalement, ce
n’était pas aussi nul que dans mes souvenirs. D’ailleurs, la bande son que je
m’imaginais etre un truc acide lambda s’avéra etre, autre surprise, plutôt
réussie, avec certes, une sonorité de l’époque, mais pas franchement
désagréable, bien au contraire. Et puis, si les dessins, comme dans mon
souvenir, étaient et restaient pour le moins particulier, je devais reconnaitre
que, si je ne suis pas un immense fan de ceux-ci, loin de là, je ne pouvais
m’empêcher de leur trouver une certaine qualité, me disant que le sieur Roland
Topor, dans sa partie, était plutôt un bon. Spécial donc, un peu daté, certes,
mais moins désagréable que prévu et d’ailleurs, nouvelle surprise, petit à
petit, alors que l’intrigue avançait, je commençais a me prendre au jeu, à me
dire que telle idée était plutôt pas mal, à m’amuser de rechercher les
références et même, les inspirations que cette Planète sauvage donna a d’autres œuvres ultérieures. Et puis… et
puis… oui, c’était spécial, mais en fait, je me surpris à me dire que,
finalement, c’était quand même pas mal pour l’époque et que, même si je ne
voyais toujours pas en ce film d’animation le chef d’œuvre annoncé par
certains, et bien, cela n’en restait pas moins plutôt bon ; spécial mais
bon…
Alors
bien sûr, je ne suis pas rentré dans le vif du scénario, laissant le plaisir de
la découverte a ceux et celles qui souhaiteraient tenter l’expérience, pour les
autres, ceux qui connaissent déjà cette œuvre, disons que celle-ci est en fait
une adaptation d’un roman de Stefan Wul, Oms
en série, et paru en 1957 – comme quoi, je me coucherais moins bête ce soir
– et que, au vu des petites recherches que j’ai effectué, elle est plus ou
moins fidèle. Alors, il y aurait probablement beaucoup à dire sur cette Planète sauvage, je ne le nie pas, mais
je laisse cela à d’autres, autrement plus doués que moi (et puis, trois
critiques en une journée, ça commence à faire beaucoup, surtout avec un rhume
carabiné), quant à moi, mon opinion au sujet de cette œuvre aura bien changer :
certes, il aura fallu trente ans environ pour cela, mais bon, comme on a
coutume de le dire, vaut mieux tard que jamais, mais quoi qu’il en soit, si La Planète sauvage n’est pas forcément
un grand chef d’œuvre, si le passage du temps à jouer, forcément, sur la
perception que les plus jeunes peuvent avoir de celle-ci, nul doute que nous
avons tout de même une œuvre de qualité, plutôt audacieuse – en France – pour l’époque
et qui mérite d’etre vue, par tout amateur du genre, au moins une fois dans sa
vie…