LE
TRÔNE DE FER – INTÉGRALE III
Cinq
rois pour un trône, voilà le résultat de la mort de Robert Baratheon, souverain
des Sept Couronnes. Pourtant, Joffrey Baratheon occupe toujours le Trône de
fer. Vaincu à la bataille de la Néra, Stannis Baratheon doit fuir vers son île,
Peyredragon, avec le reste de sa flotte. Renly Baratheon mort, les Tyrell de
Hautjardin choisissent de se rallier aux Lannister en offrant leur fille,
Margaery Tyrell, comme épouse au jeune Joffrey. Bien que durement touché par la
perte de Winterfell sous les coups de Theon Greyjoy et des Fer-nés, Robb Stark
reste seul à s'opposer à Port-Réal. Mais, la situation pourrait vite tourner à
l'aigre avec la mise en liberté de Jaime Lannister et les dissensions dans les
rangs du Nord. D'autant plus que Sansa n'a pas pu s'échapper du Donjon Rouge et
que sa sœur, Arya, demeure introuvable. D'autres drames se jouent au-delà du
Mur où Jon Snow, Samwell Tarly et la Garde de Nuit doivent affronter à la fois
les Autres et l'avancée de Mance Rayder à la tête d'une immense armée de
sauvageons. L'espoir viendra peut-être d'au-delà des mers avec la princesse
Daenerys dont le voyage s'apprête à faire trembler Astapor. Une chanson de feu
et de glace se déchaîne sur Westeros tout entier, et seuls les plus retors s'en
sortiront.
A Storm of Swords
constitue le troisième volume de la fantastique fresque de George R. R. Martin
: A Song of Ice and Fire, plus connu
sous nos latitudes sous le nom du Trône
de fer. Bien évidemment, en France, et de façon plutôt curieuse comme je
vous l’ai déjà dit dans mes critiques précédentes, après le découpage de la
saga en de multiples volumes, par la suite, le format original étant enfin
conservé dans les nouvelles éditions, plutôt que d’avoir les titres de chaque
volume de la saga, nous avons droit, par le biais des éditions J’ai Lu, à ces fameux Intégrales I, II etc. Chose amplement critiquable, de mon point de vue, mais bon,
je ne vais pas non plus me répéter sans arrêt, surtout qu’il s’en passe des
choses dans ce troisième volume du Trône
de Fer. Et justement, tandis que l’on pouvait penser qu'après deux prédécesseurs
aussi éblouissants qu’A Game of Thrones
(Intégral
I) et A Clash of Kings (Intégral
II), il était impossible de garder le même niveau voir, soyons fous, de
l'élever… ce diable de Martin nous livra… mais chut, procédons dans l’ordre.
L’habitué
de ce blog se souviendra probablement du concert de louanges engrangé par le
tout dernier volume de la saga ; celui-ci misait davantage sur le souffle
épique avec un gigantesque affrontement – qui restera gravé dans les mémoires –
que sur les jeux politiques des débuts. Avec A Storm of Swords, George R.R. Martin arrive à trouver l'équilibre
presque parfait entre ces deux versants. Un des premiers éléments à évoquer,
c'est bien la justesse de la narration employée par l'américain. Avec le nombre
de personnages qui apparaissent et le nombre de lieux à explorer, l'utilisation
d'un chapitre par personnage principal s'avère essentielle pour jongler avec
les péripéties toujours plus incroyables du récit. Au nombre de dix cette fois,
ils permettent d'avoir une vue d'ensemble des événements sans pour autant
laisser le lecteur sur le bas de la route. Il faut d'ailleurs absolument
mentionner l'apparition de Jaime Lannister dans ceux-ci. Par les yeux des
Stark, principalement, celui-ci faisait figure de « méchant » jusque dans les dernières pages d'A Clash of Kings où son entretien avec
Catelyn Stark amorce un changement dans cette vision du personnage. C'est tout
naturellement que l'auteur en fait un de ses narrateurs pour A Storm of Swords. Plus encore qu'avec
Theon Greyjoy et d'autres auparavant, Martin chamboule totalement la façon
d'appréhender le personnage et le fait spectaculairement évoluer, toujours dans
ce soucis de rejeter le manichéisme si courant des livres de Fantasy. Mais ce
retournement va plus loin. Non content de changer notre jugement vis-à-vis de
Jaime, les chapitres consacrés au commandant de la Garde Royale viennent ternir
l'image de personnages qui pouvaient paraître plus ou moins bons jusqu'à
présent. On pense notamment au portrait au vitriol d'Eddard Stark. Sans
s'étendre davantage sur les myriades d'ajustements entrepris par George R.R. Martin,
confirmons qu'une des grandes forces de ce troisième volet réside dans ses
personnages en niveaux de gris. On connaissait certes déjà cet élément mais
c'est par un patient travail sur les perceptions et les jugements du lecteur à
l'égard des personnages du récit que l'auteur met en exergue de façon
magistrale le rôle de la subjectivité dans l'écriture de l'histoire. Bien
entendu, on reste ébahi par le nombre de protagonistes introduits. Désormais,
on les compte par centaines, ce qui ne va pas sans poser quelques problèmes
pour ma part : en effet, si au bout de trois longs, très longs tomes, la
majeure partie des protagonistes me sont enfin familiers, force est de
constater que j’ai toujours du mal à me rappeler de tel ou tel personnage que l’on
pourrait qualifier de troisième zone (sans que dans le cas présent, cela soit
désobligeant vu la quantité folle qui nous est proposée) même si, dans l’ensemble,
il y a eu du progrès et que, dans l’ensemble, désormais, je sais parfaitement « qui est qui ». De plus, et
comme ce fut le cas dans les deux précédents volumes de la saga, George R.R.
Martin soigne encore et toujours ses personnages. Et si, comme on le sait fort
bien, Tyrion Lannister s'affirme comme une réussite totale, Petyr « Littlefinger » Baelish ne
démérite pas, très loin de là. On pourrait évidemment en citer bien d'autres
comme La Vipère de Dorne, Walder Frey ou Tywin Lannister. Sachez simplement que
la galerie présente dans ce Storm of
Swords a de quoi faire pâlir n'importe quelle autre œuvre de Fantasy voir
de littérature tout court.
Du
coup, on s'imagine bien qu'avec le nombre de pages du volume et son imposante
pléiade d'acteurs, A Storm of Swords
approfondit grandement l'univers de Westeros. Déjà particulièrement étoffé et
remarquable, celui-ci en vient à égaler les Terres du Milieu d'un certain
J.R.R. Tolkien. Cette fois, on découvre l'Au-delà du mur et la société
sauvageonne par les yeux de Jon Snow – et sur ce point, comme il fallait s’y
attendre, ceux-ci nous apparaissent sous un autre jour – on continue à explorer
les cités libres avec Daenerys – le récit de celle-ci est assez singulier,
franchement a part de l’intrigue principal, il n’en reste pas moins intéressant
pour deux raisons : il nous permet de découvrir d’autres lieux, perso, moi
j’aime bien, et surtout, n’oublions pas que dans le cerveau prolifique de
Martin, tout ceci a un but, et que, forcément, toutes les intrigues finiront
par se rejoindre, enfin, en théorie – et on fait connaissance avec les familles
de Dorne et d'Hautjardin. Les nouveautés ne s'arrêtent pas là puisque les
anciennes histoires et les vieux secrets affirment de nouveau leur importance
et construisent une solide base historique au royaume des Sept Couronnes.
Martin reste fidèle à lui-même et nous propose toujours plus de détails et de
profondeur à son monde. Une profondeur que l'on n'a pas fini de sonder et qui,
parfois, laisse songeur : en effet, rares sont les véritables créateurs d’univers
aussi crédibles ... Elément important,
les touches de Fantasy apparaissent bien plus encore dans ce volume, continuant
dans ce sens le crescendo voulu par l'auteur. Dragons et morts-vivants bels et
bien actifs, dieux, ou plutôt religion de plus en plus présente et, bien
entendu, magie, ce troisième tome du Trône
de Fer laisse entrevoir de façon mesurée son appartenance à la littérature
de genre. Même si les Autres laissent planer le doute quant à leur nature
véritable, le culte de R'hllor dévoile maintenant son vrai visage par
l'intermédiaire de Mélisandre et de Thoros – ces deux-là, dans deux genres différents
– et l’on ne peut oublier le surprenant Lord Béric Dondarion, ainsi que le
retour d’une certaine… mais là aussi, chut... Bref, on sent que côté Fantasy,
les choses sérieuses commencent.
Mais,
quid de l'histoire ? En bon maître d'œuvre, George R.R. Martin mélange
savamment l'épique et l'intimiste. Pour le premier, disons qu'A Storm of Swords contient maintes pages
de bravoure ou de désastre, que ce soit pendant les Noces Pourpres, chapitre tout simplement exceptionnel et qui en
choquera plus d’un (argh, mais pourquoi étais-je tomber sur un spoiler peu de
temps auparavant !?) ou pendant la bataille du Mur. Pour le second point,
les complots politiques et les retournements de situation qui en résultent
atteignent ici leur paroxysme. Forcément, un des grands événements – que je ne dévoilerai
pas – du livre se trouve bien évidement dans l'épisode des Noces Pourpres. Mais ce serait vite oublier les noces de Joffrey, presque
aussi inattendues et plutôt jouissives finalement ainsi que la confrontation
entre Sansa, Petyr et Lisa assortie de son incroyable révélation qui m’aura
tout simplement laissé pantois ! George R.R. Martin n'a plus rien à
prouver après cela en termes de suspense et d'inattendu, soyez-en certain.
Grâce à sa volonté de bâtir un récit adulte qui ne refuse pas les évolutions
logiques exigées par une histoire de cet acabit, l'américain continue de tuer
certains de ses personnages principaux. Rétrospectivement, ces « surprises » n'en sont pas
vraiment mais leur implacable logique au cœur du roman ainsi que les profonds
bouleversements qu'elles engendrent en font un des plus importants atouts du
livre. On saluera également la façon de penser la saga dans sa globalité et non
par volet comme le font la plupart. Ainsi, A
Storm of Swords renverse brutalement nos convictions acquises auparavant.
La fin du volume constituant certainement un des plus ingénieux coups d'éclat
qui soit, comme je vous l’ai dit... Mais, bien sûr, je vous laisse le
découvrir. Côté noirceur et ton adulte, l'écrivain américain assure encore et
toujours une partition sans fausse note notamment à travers la relation
Jaime/Cersei des plus...troublantes. Décidément, Le Trône de Fer n'aime pas le politiquement correct. Tant mieux,
car nous non plus.
Grandiose,
exceptionnel, surprenant, spectaculaire, A
Storm of Swords, ou troisième intégrale comme l’on dit dans cette édition, est
tout simplement l’apogée d’un Martin qui atteint ici le paroxysme de sa série,
dépassant les limites que l’on ne pouvait imaginer etre capable que celle-ci puisse
atteindre. Fort de grands moments, captivant au possible au point qu’il en
devienne quasiment impossible de décrocher la lecture – et nous avons là plus
de 1100 pages – et parfois, terriblement cruelle, il me parait indéniable que
ce troisième volume du Trône de Fer
ne fait que confirmer tout le bien que je pouvais penser à son sujet jusque-là,
bref, que ce roman est tout simplement un véritable chef d’œuvre, un truc tout
bonnement énorme, du genre qu’on en lit que deux ou trois dans sa vie. Vous
pensez que j’exagère ? Sincèrement, quand vous avez un récit aussi bien structuré,
riche, crédible, qui est presque aussi fort de par ses implications, son
univers, ses intrigues, ses révélations, la profondeur de ses protagonistes,
que par ses fausses pistes, ses histoires perdues (et si cela se serait passé
autrement), comment ne pas conclure au chef d’œuvre !? Et dire qu’il me
reste encore deux volumes à lire (l’Intégral
IV et le dernier paru aux USA, A Dance with Dragons, et que l’on a
droit en France en trois parties) et qu’après cela, ce ne sera pas encore finis…